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ÂME BLANCHE

élémentaire, puéril, l’enfant, ce ne pouvait être qu’elle-même ; et moi, qui la caressais, qui la berçais de douces paroles, qui flattais ses goûts, qui satisfaisais de mon mieux les caprices de son innocente manie, j’apparaissais comme la dispensatrice de tout plaisir, de toute tendresse : j’étais la « mère », celle qu’on implore, qui accède et qui console.

Ce mot, le premier qui eût franchi ses lèvres depuis des années, demeura longtemps le seul qu’elle voulût prononcer.

Elle avait toujours avec soi-même ces colloques solitaires, articulés, mais sans émission de son, dont on m’avait parlé et dont j’avais été témoin lors de ma visite d’initiation chez Oppelt, et ne prétendait dire ce « maman » qu’en ma présence. Quand elle le dit pour la première fois, ce fut à un moment où son infirmière, craignant pour elle l’ardeur du soleil, la voulait forcer à mettre un chapeau de paille avant de se rendre au jardin : Mme Veydt protestait du geste, de l’attitude, de toute sa mimique qui exprimait l’ennui, l’agacement d’une insistance qui ne la ferait pas céder. Et, soudain, tournée vers moi, comme pour réclamer du secours :

— Maman ! s’écria-t-elle.

Je crus mourir, tellement mon émotion fut violente. Je courus vers elle, et je lui répondis tout naturellement, avec une spontanéité qui prouvait qu’un magnétisme agissait entre nous,