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ÂME BLANCHE

Comme l’après-midi s’avançait, elle vint vers moi ; j’étais inerte, dans un état de prostration d’où me fit sortir sa voix extraordinairement grave :

— Line, me dit-elle, votre grand-père n’est plus de ce monde ; priez pour lui.

Et, enfin attendrie, le cœur enfin touché à la place sensible, j’eus d’elle une pitié immense ; je me jetai à genoux dans le gazon, j’éclatai en sanglots et je m’écriai :

— Mon Dieu, pardonnez au pauvre pêcheur… exaucez-moi et recevez-le dans votre ciel, parmi les anges.


On me mena dans la chambre mortuaire, ce même cabinet où une bonne partie de l’existence équivoque du docteur s’était passée, où son suicide avait eu lieu et que la présence de son long corps roide, étendu sur un canapé drapé de linges blancs, faisait paraître plus étroit. Sur le revers du drap, sa main rigide tenait l’arme assassine, un revolver de fort calibre. Pour tenter un réveil de vie et d’intelligence dans ce crâne percé de six balles, on avait mis des sangsues sur les tempes du suicidé, sur la nuque, derrière les oreilles, et, pour cela, on avait coupé ses beaux cheveux ; la barbe aussi, cette barbe de prophète, pure, éblouissante comme une tombée de neige, avait disparu. On avait dû tailler à tort et à travers, d’une main brusque et