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ÂME BLANCHE

Toute hypothèse, fût-ce la plus inadmissible et la plus folle, lui était préférable à l’horreur d’une réalité qui, si durement, anéantissait le prestige de son amour filial illusionné.

Notre vie, dans le sous-sol, était chiche et presque misérable, mais ni ma tante, ni la bonne, ni moi-même ne souffrions véritablement de cela : l’économie la plus parcimonieuse avait toujours été la règle de la maison ; nous y étions accoutumées ; aussi, peu nous importait de ne manger guère de viande, de boire de l’eau, de nous priver de beurre sur notre pain ! Ce qui, pour ma part, me soutenait, c’était l’idée de l’avenir grand ouvert devant ma jeunesse, et l’espoir, que les lettres de Jacques contribuaient à entretenir en moi, de la conquête prochaine d’un foyer qui nous fût commun et qui, si humble fût-il, nous appartiendrait sans conteste.


Oh ! l’amertume d’habiter dans cette maison de la rue Marcq, où plus rien n’était à nous, que nous savions vouée, avec tout son contenu, aux hasards des enchères publiques ! C’est là, certainement, ce qui nous fut le plus cruel. Nous usions des quelques meubles de nos habitudes avec réserve et circonspection, comme on fait dans la demeure d’autrui, et, même les ustensiles de cuisine n’étaient employés par les mains honnêtes de Wantje, qu’avec un scrupule excessif et comme une crainte de les détériorer.