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ÂME BLANCHE

pas venue sur-le-champ à Edouard Veydt. Aussi avait-il bien souffert au commencementde la maladie, qui survenait si brusquement sous son toit : l’agréable équilibre de sa facile existence se trouvait compromis et comment vivre sa soirée du dimanche sans cette partie de piquet pour laquelle il avait pris, peu à peu, tant d’attachement ! Sa fille Josine refusait d’être sa partenaire : elle haïssait les cartes et quant à Wantje, elle était à ce point bornée qu’il renonça vite à la tentation de lui rien apprendre.

Cependant, l’immobilité forcée de Mme Veydt exaspérait son mari ; il lui en gardait comme une sourde rancune. Et c’était pitié de le voir soucieux, chagrin, de l’entendre répéter :

— Elle en reviendra, certes, puisqu’elle n’est pas morte sur le coup ; mais si la paralysie persiste, comment faire ? A quoi passer nos soirées du dimanche ?

Alors, avec son sourire d’égoïsme féroce, mué en bienveillance universelle au dehors, mais qu’il ne se donnait pas toujours la peine de dissimuler pour nous, il s’approchait du fauteuil de la vieille dame, il lui disait :

— Hein, Sophie, c’était bien la peine de vous priver de tout, votre vie durant !

Il la plaisantait durement sur son avarice, la trouvait vraiment sotte là, toute percluse, la tête enfoncée dans les coussins, les pieds