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ÂME BLANCHE

gement d’avoir là, auprès de moi, ce témoin — fût-il muet — de ma vie passée. Aussi, jamais poupée ne fut entourée de soins plus tendres, d’une sollicitude plus vigilante ni plus active : j’étais bien jeune lorsque je reçus Zoone en présent et son nom seul indique l’extrême puérilité de mon langage au moment de son baptême ; or, elle ne fut jamais jolie ; mais, après dix ans, nulle avarie n’avait atteint son corps de bois et elle n’était pas plus intacte au moment de sa sortie du magasin où ma mère l’avait achetée ; je l’aimais et je la vénérais ; elle était à la fois mon enfant et mon fétiche. Aussi, c’était un bonheur pour moi de la parer de mon mieux et si je sus coudre à l’âge où les autres petites filles ne s’en soucient guère, c’est que le désir me hantait de faire de beaux vêtements à ma vieille poupée et que ce fut là l’émulation la plus efficace.

C’est à la fin de ce même automne que l’on me mit à l’école. D’abord, je m’étais fait un monstre de cette idée d’aller en classe, de voir de nouvelles figures, de faire connaissance avec une foule de petites filles dont ma sauvagerie n’espérait rien de bon. Cependant, dès le premier jour, je fus conquise par la douceur enjouée de la religieuse à laquelle on me confia, par la gaîté vivante et bruyante de notre classe où l’aînée des élèves avait huit ans et, la plus jeune, à