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ÂME BLANCHE

pour un lacet, un bouton, une aiguille à acheter… ; nos maisons étaient contiguës et, dès que j’entrais dans le vaste magasin, on m’accueillait d’un :

— Bonjour, Henriette ! dix fois répété et qui venait des parents, des enfants, des bonnes, des commis.

Le bébé de la famille, qui ne voyait sa sœur aînée que de loin en loin, fut maintenu jusqu’à l’âge de vingt mois dans cette erreur que j’étais une demoiselle Erlanger, et il me faisait des risettes, il me tendait les bras. Un des premiers mots qu’il articula distinctement, ce fut Yette, qui, pour lui, demeura l’appellation courante de la seule Henriette qui lui fut familière. Quand on lui présenta la véritable, il ne voulut jamais admettre son identité.

Je connaissais peu Henriette ; je savais qu’elle était très studieuse, que sa mère en était fière et que cette petite fille passait, dans son couvent de province, pour le modèle des jeunes élèves ; voilà tout. On nous avait bien présentées l’une à l’autre et M. Erlanger s’était plu, aux dernières vacances, à nous placer exactement contre le même chambranle de porte, afin de mesurer et de marquer nos hauteurs respectives qui se trouvèrent être identiques, mais l’intimité ne s’était point produite ; nous n’avions pas eu cet élan spontané, ce bon mouvement instinctif qui jette deux enfants aux bras l’un de l’autre, tout d’un