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I


Le souvenir le mieux précisé qui me reste de ma mère, avant son internement chez le professeur Oppelt, est, aussi, le plus lointain de mon enfance : j’étais toute petite, c’est à peine si je marchais seule… ; pourtant, j’avais réussi à me glisser derrière le piano où elle jouait quelque chose de doux et de fort triste.

J’avais d’abord entendu jouer Mme Veydt sans y faire attention, en trop jeune être, incapable de différencier les bruits et qui donnait à tous la même importance ; puis, j’avais prêté attention à celui-là, j’avais écouté, y trouvant un grand charme : la mélodie me venait en ondes plaintives, très sonores à la place où j’étais. J’en reçus bientôt une impression extraordinaire, tout à la fois ravie et mélancolique, qui me sortait de moi-même, qui me rendait comme folle… J’avais envie de rire et de pleurer : chaque note nouvelle me tombait sur le cœur, poignante autant que délicieuse, et, dans tout mon organisme à peine sorti des