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ÂME BLANCHE

songer à y mettre obstacle. Quand il fut question de m’habiller pour la suivre, on consulta Mme Erlanger sur les moindres détails de ma toilette : elle souhaita me voir vêtue de blanc et comme j’avais, par hasard, les cheveux dénoués et flottants dans le dos, elle les tressa : elle-même en deux nattes qu’elle noua de rubans larges : notre coiffure habituelle, à Henriette et à moi-même, ce qui constituait le plus clair, le plus positif de notre ressemblance.

Tout en me parant ainsi, la mercière s’exaltait : sa combinaison lui paraissait admirable, et il lui semblait que sa grande douleur ne pourrait s’atténuer que par la réalisation de cette image qui, sensément, représenterait sa fillette.

Elle désirait que j’y parusse en pied, debout, un bouquet dans la main, le plus gaie possible. Puis, son projet se compliqua : elle grouperait tous ses autres enfants autour de moi, qui simulerais la sœur aînée ; ils seraient échelonnés par rang de taille, les plus grands à droite ; les autres à gauche, et le baby à mes pieds. On les prendrait dans leur deuil sévère, dans leur petite blouse noir à biais de crèpe, tandis que, toute blanche, je resplendirais au milieu d’eux.

J’apercevais là les éléments d’une allégorie mystique : Henriette, un instant redescendue sur la terre, devait faire penser aux joies sereines du paradis, à la félicité idéale des bienheureux… et cela plaisait à mon imagination d’enfant ;