Page:Yonge - L'héritier de Redclyffe, Vol 1, 1855.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 317 —

sombre, qu’il ne pouvait distinguer la place de la fenêtre qu’à la clarté bleuâtre des éclairs. Il s’assit sur son lit, et se rappela comme il avait souhaité souvent dans son enfance qu’un vaisseau vînt faire naufrage sur la côte, et comme madame Bernard le grondait de former un vœu si cruel. Bien souvent il avait prêté l’oreille dans des nuits pareilles à celle-ci, espérant entendre le canon d’alarme ! Une nuit il avait même éveillé Arnaud, croyant avoir distingué ce funeste signal. La baie de Redclyffe était dangereuse, et faite exprès pour servir de théâtre à un naufrage, avec ses côtes escarpées et les récifs qui en rétrécissaient l’entrée et que les pêcheurs eux-mêmes craignaient dans les mauvais temps. Il n’y avait qu’une place où l’on pût aborder, mais elle n’était pas sur la route ordinaire des vaisseaux, et la tradition n’avait conservé le souvenir que d’un ou deux naufrages fort anciens.

Walter avait-il encore l’imagination échauffée comme dans son enfance ?… Il crut distinguer un coup de canon au milieu du vacarme que faisaient la grêle qui frappait les fenêtres, et le vent qui mugissait autour de l’antique manoir. Un moment après, il entendit un second coup, et trop distinctement pour que ce pût être une illusion. Il s’élance vers la fenêtre ; la lueur d’un éclair lui permet de distinguer la ligne sombre de la côte et la mer plus pâle, puis tout redevient obscur et silencieux, jusqu’au moment où le tonnerre éclate avec une force terrible, ébranlant les portes et les fenêtres, et, comme son roulement se perd dans le silence, le canon se fait encore entendre.