Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/53

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Que la félicité humaine est un objet de pitié pour l'homme dont l'œil peut percer dans l'avenir, seulement de l'intervalle d'une heure! La fortune te sourit, Lorenzo, tu te laisses endormir à ses chants flatteurs, tremble en recevant ses dons; elle vend le bonheur. N'attends pas l'orage pour t'alarmer. Le calme est plus menaçant que la tempête. Les faveurs du ciel sont des épreuves et non des récompenses. Jouis du présent , mais en te défiant de l'avenir.
Ne crois point que je me fasse un plaisir barbare de troubler ta paix : je voudrais l'assurer; mais ta joie ne m'en impose point. Ton orgueil, je le sais, sollicite de moi l'aveu de ton bonheur. Pardonne à un ami qui ne sait point mentir pour te flatter. Tes plaisirs sont le gage de tes peines. Bercé dans un songe agréable, tu rêves au bonheur sur les bords d'un précipice. Sais- tu que le mortel heureux contracte une dette avec le malheur ? L'adversité comme un créancier sévère s'apprête à te demander les intérêts accumulés de ses délais : elle fait de la prospérité passée un fouet déchirant qui rend le sentiment de l'infortune plus poignant et plus cruel. Nos vains