Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/78

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— Il s’agit bien d’acheter un fusil, monsieur, dit-elle à ce roturier. Mon père est totalement ruiné par l’entretien de Charlemart et je veux gagner ma vie. Je sais que vous employez des voyageurs pour placer les produits de votre manufacture. Je viens vous demander de me prendre. Je connais les armes, je les aime. L’acier me plaît plus que l’or, et j’ai l’œil assez bon quand il s’agit de viser. Je tire les canards au vol comme les autres femmes enfilent leurs aiguilles. Le plus vieux pistolet, le plus petit revolver ne peuvent m’être indifférents. Je suis née armurière. De tous les représentants que vous déléguez à travers la France, monsieur, pas un ne sait comme moi ce qu’est une arme. Je vous offre mes services.

Ce commerçant français n’avait pas coutume de bousculer les usages ni l’ordre établi. Sa raison chancelait. Il aurait fort bien vu mademoiselle de Charlemart se cachant dans sa tour pour de clandestins travaux de broderie où elle se fût perdu les yeux sans y gagner par mois le prix d’une paire de bottes. Mais il était trop vingtième siècle pour comprendre la barbare loyauté d’Olive annonçant au monde qu’elle devait gagner sa vie. Il fit un aveu exactement sincère :

— Une femme comme vous, mademoiselle… Je n’oserai jamais.