Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/68

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à coup, à son teint bilieux, le sang se mit à monter si vif, qu’il rougit : il rougit aux pommettes, au front, comme les femmes. Il avait honte. C’était la première fois que, dans sa vie, se mêlait à l’honorabilité extérieure quelque chose d’inavoué, ce qu’avec un sens de mépris on appelle « les dessous » des existences publiques. Jusqu’alors, il n’avait jamais manqué de se conformer dans le secret de sa conscience à l’idéal d’irréprochable dignité dont il faisait profession. Mais c’était fini de ce matin-là, les jours de rêve où il avait servi son idée dans un culte si pur, si délicieux. La période de l’action commençait ; la fatalité le prenait et l’armait de fougue, d’énergie, et surtout, triste mystère ! du désir féroce des luttes. On n’a jamais vu qu’un soldat fût un moraliste. Le mouvement national politique qui avait pétri son âme lui créait, à l’heure voulue, la sereine et monstrueuse implacabilité du conquérant. Désormais, quand une à une se dresseraient, en obstacles devant son œuvre, les sensibilités de sa conscience, il sabrerait tout, fatalement.

Madeleine entra, fraîche coiffée, en tunique du matin, des dentelles au col et aux bras, l’ossature frêle du visage toute mangée par ses longs yeux tendres, comme on en peint aux femmes de théâtre.