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Page:Yver - Etienne.djvu/30

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Je l’ai compris depuis : elle avait deviné le mouvement de sympathie qui naîtrait en ma faveur dans cette petite foule, s’ils me voyaient en cette circonstance. On me regardait avec intérêt, et moi, je sentais mon émotion plus vive, je revoyais le grand et fort marin qui était le patron Pierre ; son sourire faux, sous sa barbe rousse, m’apparaissait plein de bonhomie ; j’oubliais son avarice, je pensais qu’il était là maintenant couché pour toujours dans cette bière qu’on emportait. Je fus saisi d’une grande pitié, et mes larmes se mirent à couler.

Au cimetière, tout le monde encore était là ; le dernier, par derrière, serré contre Me Henriette, les galoches dans l’herbe humide, j’attendais mon tour pour accomplir envers le mort le dernier devoir de sympathie ; mais quand ce moment vint, en laissant tomber sur la terre fraichement remuée les gouttes d’eau bénite, mon émotion éclata sans contrainte, et je me sauvai dans les bras de Mlle Henriette en sanglotant, pendant que les gens s’en allant répétaient toujours à voix basse :

— C’est le petit Bineau.