Page:Yver - La Bergerie.djvu/236

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roman végétal, grisé par le sens de ce mouvement sans mesure que les cultivateurs créent. Le train sinuait dans la campagne. Août régnait. On était à la veille de l’apothéose champêtre, du dénoûment de la grande pièce des saisons : la Récolte ; et cette nuit en était le prélude religieux et admirable. Dans les jardins, des fruits mûrs que pâlissait la lune pendaient aux arbres bleuâtres. Il ne chercha pas à dormir. Peu à peu la féerie de la nuit s’évanouit par des transitions si lentes qu’insensiblement l’aurore remplaça la lune. Et vers les granges des fermes, sous les hangars ombreux, le petit jour éclaira bientôt partout, avec une persistance impressionnante, les armes pacifiques préparées dans la région entière pour le travail prochain, les faulx énormes, emmanchées toutes et accotées aux murs.

« C’est beau comme une chanson de Gado ! » pensa le littéraire Frédéric.

Quand il descendit du train, de grand matin, dans la petite gare de Parisy, il reconnut, au delà de la barrière, la voiture de M. de Marcy. Il frissonnait au vent frais et relevait son col de pardessus, transi-et tremblant, quand il aperçut devant lui une grande et mince jeune fille, le cou nu, qui lui souriait sous son canotier de paille.

« Camille ! » balbutia-t-il.