Page:Yver - La Bergerie.djvu/242

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choses-là ne se font pas ! On ne brise pas si aisément sa vie. »

La jeune femme, à sa réponse, le regarda curieusement ; mais elle ne souffla pas un mot. On l’aurait dite incrédule, et plus d’une fois dans la journée Frédéric sentit sur lui le regard de ses yeux obliques, curieux et inquiets.

Lorsque le jeune ménage quitta au soir la Bergerie, Camille et Frédéric escortèrent la voiture jusqu’à la grand’route et la regardèrent s’éloigner dans la nuit blanche. Quand on ne vit plus rien et qu’ils se sentirent seuls l’un vis-à-vis de l’autre, au milieu de ce silence, dans cette impassible soirée d’août, où la nature en insomnie demeurait tout éveillée dans la nuit, avec le chant très doux et cristallin du crapaud, se mourant d’appel en appel vers les lointains, ils éprouvèrent entre eux, soudain, une intimité effrayante.

« Rentrons », dit Camille qui hâta le pas tout à coup dans l’allée des hêtres, devançant le jeune homme.

Mais en quelques enjambées Frédéric l’eut rejointe, et il l’appela par deux fois : « Camille ! Camille ! » si bas et si tendrement qu’elle s’arrêta.

« Camille ! » reprit-il, en tenant les deux mains de la jeune fille, est-ce qu’un jour viendra où je vous emmènerai toute seule, comme M. de Marcy emmène Laure ? »