Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/65

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étranger tomba positivement en arrêt. « Seriez-vous le fils du grand Arbrissel ? — Je suis le fils du peintre, oui, répondit l’enfant avec une timidité toute pleine de modestie. — Ah ! reprit le petit Argentin, je suis content de vous connaître. Mais votre père… que je voudrais le voir ! »

En réalité ce n’était pas seulement pour sa gentillesse personnelle que les camarades de Pierre lui attribuaient un traitement de faveur. Car il était effectivement — et de loin dans toute sa classe — celui qui recevait le moins de coups de poing et de bourrades. Le prestige de son père n’était pas étranger à cette relative aménité. De tels gages accordés au fils formaient comme un piédestal au grand peintre sans que son nom fût même prononcé. « Jusqu’aux Amériques, pensait le petit garçon, mon père est célèbre ! » Et il y eut aussi un jeune Anglais des Indes britanniques qui se montra encore plus curieux d’Hyacinthe Arbrissel que l’Espagnol. Il fut si pressant qu’un jour Pierre décida de supplier ses parents pour qu’ils voulussent bien inviter ce camarade à Neuilly. Le Supérieur donna son assentiment pour l’estime où il tenait le grand artiste, et un certain dimanche on vit arriver à la villa de l’avenue de Madrid le jeune Wilfrid, fort troublé, qui comparut devant M. et Mme Arbrissel. Celle-ci portait une robe de foulard mauve avec draperies aux hanches et « pouf » par derrière : et ses yeux charmants étaient encore adoucis par la frange de cheveux blonds qui coupait son front en ligne droite. Pour le grand homme, dans toute la force de sa quarantaine bien sonnée, la carrure puissante,