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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/359

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— Peut-être, si tu le connaissais, toi aussi tu changerais…

— Si je le connaissais ? reprit-il en ricanant, est-ce que je ne le connais pas ? C’est par ses actes qu’on connaît un homme : j’ai pesé tous les actes de Wolfran, c’est par eux que je l’ai jugé ; de la sorte on ne se trompe pas ; c’est un homme néfaste.

Elle répétait, avec une sorte d’obstination exaltée :

— Il n’est pas ce que tu crois…

Ismaël ne proféra pas une parole : mais, en se taisant, il observait Clara. Il l’examinait froidement : il détaillait ses traits, scrutait ses prunelles élargies, notait tous les signes de son émotion. C’était une femme nouvelle qui lui apparaissait. Haletante, fiévreuse, transfigurée par une épouvante secrète qui bouleversait son calme visage de statue, embellie par une ardeur dont elle vibrait tout entière, jamais il ne l’avait vue ainsi devant lui. Une idée le transperça comme un dard. Il devint livide. À deux ou trois reprises, il voulut parler : sa gorge se contracta. Enfin il vint à Clara, lui serra les poignets, et, plongeant du regard jusqu’au fond de ses yeux, il articula d’une voix indistincte :

— Tu l’aimes ?

Sans répondre, stupéfaite, étourdie, elle le regardait, à son tour, comme sans le voir. Puis, tout à coup :