Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/385

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— Sire, Kosor est peut-être un fanatique. L’âme des révolutionnaires est un abîme, ils s’y égarent eux-mêmes. Il faut lui pardonner…

— Je lui pardonne, n’est-il pas le premier puni ? Et que lui faut-il encore ?

Elle eut un mélancolique sourire et, de la voix des êtres que la vie a brisés, elle dit :

— Il lui faut que sa femme obtienne de le suivre dans sa prison éternelle, là-bas…

— Sa femme ! Kosor est donc marié ?

— Il l’est depuis hier, Sire.

— Et cette femme veut le suivre au Pacifique ! Mais sait-elle quel enfer est ce monde d’où l’on ne revient pas ; ce n’est pas possible…, ce n’est pas faisable…, la dernière des créatures refuserait…, il faut lui dire…

— Elle le sait, fit Clara.

— Alors, qui est cette femme ? Est-elle folle ? est-elle sublime ? est-elle…

— C’est moi, dit Clara paisiblement.

Wolfran fit un geste atterré. Son visage exprima une douleur cruelle ; il ne trouva pas un mot conforme à sa pensée. Elle embrassait toute la glorieuse vie de Clara, sa grandeur, sa noblesse, son génie, elle retournait à l’ilot perdu dans l’immensité où allait s’ensevelir tant de beauté, tant d’intelligence, tant de science, et jusqu’à l’avenir si plein de promesse de la substance nouvelle dont une telle femme avait doté le monde. Et il se souvenait aussi de l’amitié délicieuse