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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/116

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— Je vous ai parlé de ma sœur, poursuivit-il, ma petite sœur si gentille, qui entoure ma vie de tant de soins. Je la vois perdue. Tous les symptômes d’un commencement de phtisie. Depuis un mois j’avais des inquiétudes, puis la marche s’accélère ; cette nuit, le premier crachement de sang. Je la sens m’échapper, me glisser entre les mains.

Jeanne n’était pas venue s’asseoir auprès de lui, comme il l’aurait aimé : elle était demeurée debout, plus stupéfaite qu’émue par cet abandon subit d’un homme dont elle n’avait jamais connu que la correction. Elle dit :

— Vous exagérez, je crois, beaucoup, docteur. C’est de vous que j’ai appris la curabilité de la tuberculose ; mademoiselle votre sœur a tous les éléments de guérison autour d’elle.

— Je sais bien, je sais bien tout ce que j’ai dit à la clinique ; mais on ne soigne pas sa sœur comme une malade d’hôpital. Je ne peux pas expliquer cela ; quelque chose m’avertit que je ne la sauverai pas. Dites-moi que vous viendrez la voir, n’est-ce pas ? vous la soignerez avec moi ; je vous en prie, je vous en prie, mademoiselle Bœrk !

Et il se leva en parlant, il vint à elle et saisit ses mains qu’il pressait en la suppliant, ses belles mains de statue, blanches et grasses, qu’il aurait voulu couvrir de baisers. Par une succession de portes vitrées, on pouvait apercevoir la salle, avec la sœur de service s’empressant autour des lits, et les infirmières en bonnet de nuit procédant au lavage phéniqué du parquet. Ici, la salle d’opérations aux blancheurs éblouissantes