Page:Yver - Les Cervelines.djvu/205

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traits de Jean se décomposèrent. Les sourdes colères qui naissaient parfois secrètes et terribles dans son âme molle commençaient à s’éveiller. Il dit, de sa voix creuse qu’il affermissait :

— Il y a pourtant en elle une femme, voyons !

Marceline devina ce qu’il pensait et reprit :

— À peine. Le travail lui a refait une nature. Toutes ses forces lui sont données. Elle n’aime pas monsieur Tisserel.

— Et si elle l’avait aimé ?

— Oh ! dit Marceline avec un geste de la main où se cachait un peu de dédain, alors… Une personne qui aime n’a plus tout à fait ses facultés de jugement, de réflexion… et il se pourrait qu’elle eût commis l’imprudence de céder.

— Et à votre sens, questionna Cécile qui, de ses yeux calmes, invisiblement plongeait en elle, en ses yeux, en son âme, à votre sens aurait-elle eu tort ?

C’était l’énoncé du problème qui vingt-quatre heures l’avait tourmentée ; mais, Dieu merci, la solution était prête, ferme et assurée en elle ; elle n’hésita pas.

— Si elle aurait eu tort, la pauvre amie ! Ah ! docteur, que me demandez-vous-là ?

Elle souriait, mais se retint en voyant que Cécile, les deux mains crispées au fauteuil, les yeux détournés, la désapprouvait.

— Alors, dit-il, étouffant d’indignation, vous ne comprenez pas qu’une femme puisse un jour renoncer à tout pour donner à un homme le bonheur qu’elle s’ôte ? Vous ne croyez pas qu’elle trouve à cela un bonheur nouveau qui fasse pâlir et éteindre l’autre ? Vous ne croyez pas que l’amour