Page:Yver - Les Cervelines.djvu/251

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et de quel glorieux bonheur ! De tout ce dont cette âme magnifique lui faisait don ; et il éprouvait que c’était là véritablement une oblation sans prix. Ce n’était pas seulement de sa personne — l’être charmant qu’elle paraissait aux yeux — qu’elle lui faisait don ; elle renonçait aussi pour lui à une existence illustre ; elle brisait sa vie pour la lui offrir. Sa célébrité, l’ordonnance admirable de ses travaux, ses plans d’avenir, son essor libre d’indépendante, elle lui donnait tout. Il en sentit moins d’orgueil, qu’une reconnaissance et une humilité éperdues.

— Oh ! si j’étais un grand homme ! soupira-t-il en se prenant le front de ses deux mains.

Marceline transfigurée souriait.

— Que feriez-vous, monsieur Cécile, si vous étiez un grand homme ?

— Je dirais des choses qui ne me sont pas, qui ne peuvent pas m’être permises !

— Mais qu’appelez-vous être un grand homme, redit-elle encore, stupéfaite de se trouver vers ces tendres propos, ces paroles affectueuses, une tendance délicieuse. Moi, j’appelle un grand homme un être d’une grande intelligence, d’un grand cœur, et d’une grande vie. Il lui faut être fin, délicatement curieux de tout, savant en mille choses qui ne s’apprennent pas dans d’autres livres que dans celui de sa propre Pensée ; il lui faut avoir cette candeur des hommes qui s’appelle la franchise. Il lui faut être bon, indulgent aux autres, charitable et utile. Oh non Dieu, utile surtout !… et capable d’aimer beaucoup. Cet être-là, quand même il ne serait pas populaire dans