Aller au contenu

Page:Yver - Les Cousins riches.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parmi les arbres de couche et fuyait vers la salle voisine, — aspirait ce coton mâché, et le rejetait au ventre des batteuses. Mais, malgré l’appétit vorace de ces monstres qui à chaque seconde, en un mouvement de va-et-vient, présentaient leur plateau pour recevoir du coton, on ne pouvait encore leur ingurgiter ce qu’il eût fallu. C’était ici la vraie bouche de l’usine, pour cette digestion formidable et interminable de coton.

— Vous voyez, dit Samuel à Marthe, quand même nous pourrions, dans la salle de filage, loger cinq cardeuses de plus, nous n’aurions pas de quoi ici leur préparer le coton, et elles ne seraient pas alimentées. Et le directeur appuyait :

— Hein, mademoiselle Natier, six brise-balles au lieu de trois, et voyez-vous ce flot de coton qui sortirait là-bas des cardes ?

Marthe sentait lui monter au cerveau cette griserie de la production intense que l’on contracte auprès des machines enfiévrées. Malgré leur régularité d’horlogerie, elles ont toujours l’air d’accélérer jusqu’à la démence leur mouvement. Un désir désordonné les possède et se communique. Marthe aurait voulu qu’on jetât les balles entières aux sol-