Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/131

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traversait la cour ; au fond, il y avait un porche qu’on franchissait ; et tout de suite, c’était un jardin peuplé de vieux arbres, acacias et marronniers, au milieu desquels s’élevait le pavillon de pierre grise. Quand Addeghem, suivi de la bande des artistes auxquels il avait donné rendez-vous dans un café du boulevard Saint-Germain, pénétra dans ce jardin, il eut des cris, des exclamations. de surprise, d’enthousiasme, un délire. Comme il arrive souvent à Paris, le printemps avait été hâtif ; les marronniers étaient fleuris. Un feuillage léger commençait à vêtir les acacias, et, du côté Nord, un beau manteau de lierre verdissait le pavillon. Sur le perron haut de trois marches, et qu’un reflet de soleil couchant rosissait, la charmante Jeanne Houchemagne, dans une longue robe blanche, souriait à ses amis avec un geste si gracieux, un tel mouvement d’accueil dans sa personne entière, que tous s’attendrirent, le cœur amolli, baignés de bien-être, de confiance, de contentement.

— Est-ce beau, hurlait Addeghem en levant au ciel ses grands bras, est-ce pur, est-ce serein ! Ah ! quel tableau ! quelle maison ! quelle vie divine !

On le regarda : il était rouge et pleurait pour de bon, avec de grosses larmes qui se perdaient dans sa moustache broussailleuse. Alors Jeanne lui proposa un tour de jardin. Juliette Angeloup, bien fatiguée par l’âge et qui, avec ses cheveux ras et son faux-col, ressemblait à un notaire