Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/15

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Passé eût été offensé dans ce cœur de vieille femme, aux propos étourdis de la femme artiste.

— Vous permettez ? demandait Addeghem en prenant un tabouret près du feu de coke auquel il présentait sa bottine ; j’ai attrapé un sacré coup de froid en passant le pont des Arts…

Fontœuvre comprit alors la vérité le grand homme, vieux garçon, en peine de son après-midi de premier janvier, et apercevant leur maison quai Malaquais, était venu se chauffer chez eux. Or, Addeghem ne se prodiguait pas ; et, de plus, il faisait ou défaisait à son gré la fortune d’un artiste. La petite Fontœuvre, avec son sens pratique aiguisé, entrevit rapidement tout le parti qu’on pouvait tirer de cette visite et de cet abandon.

Il faut prendre une tasse de thé, dit-elle gentiment, en se penchant vers le vieillard. Et comme il acceptait d’enthousiasme, tout disposé à savourer ce bien-être familial qu’il était venu inconsciemment chercher ici, Jenny Fontœuvre, avec une prestesse de petite fille, gagna la porte, disparut en appelant, d’un signe, sa mère.

Toutes deux par un corridor obscur se rendirent à la cuisine.

Brigitte, la vieille cuisinière, — un ancien modèle déformé que l’excellent Fontœuvre avait recueilli jadis par charité, — achevait la vaisselle. Elle essuyait « mesdemoiselles les assiettes », comme elle disait dans sa manie devenue agaçante de personnifier tous les objets, de leur donner un