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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/233

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Nicolas eut un sursaut qui le dégagea. Ses yeux étonnés se fixèrent sur Marcelle.

— Nous aimer ici ! Oh ! y penses-tu ? Mais ce n’est pas possible, ma pauvre chérie. Tu crois que je pourrai travailler, reprendre mon œuvre, la revoir en face, quand le souvenir de nos baisers flottera encore entre ces murs ? Nous aimer ici, dans cette pièce où il n’y a jamais eu que mon art et moi, où je n’ai même pas introduit une idée étrangère !

Sa voix commençait à trembler ; il poursuivit :

— Nous aimer ici, ma pauvre petite ! Tu n’as donc pas compris que nous sommes deux malheureux, que notre amour est odieux, qu’une honte est dans toutes nos caresses ! Marcelle, j’ai trahi la femme à qui je devais tout, oui, mon talent et mon bonheur, je devais tout à Jeanne, et je me suis repris à elle qui me chérit toujours avec la même générosité, la même bonté, la même tendresse. Ah ! je t’aime, oui, je suis à toi pour toujours ; mais je suis tombé, je suis tombé plus bas que personne, et je me méprise, je me hais. Nous avons fait le mal, Marcelle, notre amour est maudit, et il faut le cacher, il ne faut pas que mon œuvre le voie !

Il eut un sanglot déchirant et s’abattit par terre, au pied du chevalet où, sur la toile blanche, la figure divine s’esquissait, majestueuse. De longs soubresauts soulevaient ses épaules ; il pleurait en criant :