Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/307

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— Véritablement, pour la première fois un homme va peindre Dieu. Jamais encore, ni Véronèse, ni Vinci, ni le Guide, ni même Metsys ne l’ont pu. Mais monsieur Houchemagne va faire le tableau pour l’agenouillement de la foule. Car il sera impossible de le voir et de pas joindre les mains devant le Sauveur, et de ne pas tomber à genoux. Oh ! je suis bien aise, bien aise !

Il lui fallut s’asseoir, car elle se sentait faible. La bonne Arnaud dut excuser cette grande nervosité. Tous étaient émus, même Houchemagne, en qui l’artiste revivait impérieusement, et qui buvait le baume enivrant de la gloire. Après un petit silence apaisant, Blanche Arnaud demanda :

— Monsieur Houchemagne, comment à de pauvres artistes comme nous, si impuissantes, si ignorées, avez-vous permis ce que vous défendez aux plus grands ?

— Je n’avais plus le droit de vous fermer ma porte, fit Nicolas simplement.

Jeanne, miss Spring, Blanche Arnaud faisaient cercle autour de lui. L’affectueuse présence de ces saintes femmes, leur dévotion à sa personne lui causaient une indicible douceur. Il s’humiliait devant elles ; la patience de Jeanne, la pureté enfantine de l’Anglaise les lui rendaient vénérables. Quant à Blanche Arnaud, il se rappelait ce que Marcelle lui avait rapporté de ses luttes passées. Elle avait eu vingt ans ; la beauté, la jeunesse, le talent et l’amour en avaient fait un être