Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/309

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figure pareille ? Vous savez bien qu’on ne fait vraiment une œuvre d’art qu’avec des lambeaux de soi-même,

— Comme vous avez bien fait de venir, leur disait-il.

Et pendant que la contemplative Anglaise s’absorbait de nouveau dans le Christ du chevalet, Blanche Arnaud entraînait madame Houchemagne dans un coin de l’atelier pour lui parler bas. Jamais elle n’aurait osé entretenir un maître tel que monsieur Houchemagne de sujets si indignes. Mais Spring avait rapporté de Londres une recette anglaise pour un vin fortifiant qui serait bien. nécessaire à ce cher grand artiste. Et, sur un papier, elle griffonnait son ordonnance, en suppliant Jeanne d’en essayer.

— Oui, chère mademoiselle Arnauld, je vous le promets, disait la jeune femme attendrie.

Quand elles furent parties, Nicolas se remit au travail avec une sorte de frénésie. Les yeux divins, encore approfondis, vous scrutaient maintenant, vous dépouillaient de tout mensonge ; mais la compassion en adoucissait la rigueur. Bientôt le jour baissa, et Nicolas posant sa palette vint s’asseoir auprès de Jeanne.

— Il me semble, lui dit-il, que la paix me revient à tes côtés. Tiens, en ce moment, je suis presque heureux.

— Ce n’est pas moi qui t’apaise, dit Jeanne, c’est l’Art.