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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/411

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religieusement. Quelques-uns de ceux-là s’arrêtèrent, frappés devant la sérénité impressionnante du mort. Leur enthousiasme secret pour le maître de leur art, leur arrachait devant son cadavre des larmes de désolation, et deux ou trois reconnaissant Jeanne, toujours assise au chevet du lit funèbre, lui demandèrent la permission de prendre un suprême croquis de l’artiste en sa beauté mortuaire.

Elle devina qui ils étaient, ces jeunes gens dont le talent sortait indubitablement de l’âme de Nicolas ; ils étaient ses vrais fils, ceux qui le continueraient, qui feraient son œuvre, ceux qu’il savait exister sans les connaître tous, et qu’il aimait. Et le divin visage de Jeanne, meurtri de souffrance, leur sourit.

Et l’atelier s’emplissait toujours, car ceux qui arrivaient, les admirateurs de Nicolas, ses amis, les curieux, les indifférents, une fois qu’ils étaient entrés, ne pensaient plus à sortir. Et l’on se pressait, on se heurtait dans un silence sacré. Mademoiselle Angeloup était là, Nelly Darche, Vaupalier ; et tous ces êtres légers devenaient graves. Nugues sanglotait au pied du lit. Jenny Fontœuvre, depuis le matin, n’était pas encore revenue de sa consternation. Ce qui était arrivé, elle ne consentait ni à le croire, ni à l’admettre. Est-ce qu’un pareil artiste pouvait disparaître à trente-sept ans ? Pourquoi ? Et elle se révoltait, n’ayant jamais encore, de toute sa vie, sondé de