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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/106

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princesses de science

— Oui, une femme comme une autre, capable d’aimer puérilement. Ma vie spéciale m’a mis un masque : il fallait que je fusse ainsi, vous savez bien, rigide et impénétrable. Mais croyez-vous que j’aie toujours ignoré les faiblesses, les découragements, les lassitudes ? Parfois — je ne l’ai jamais avoué — le travail m’exténuait ; mon corps même fléchissait après les dures matinées, les trois heures que je passais debout, dans la salle, et, l’après-midi, je devais me raidir à l’amphithéâtre, pour la dissection. Alors j’étais triste, et je ne savais pourquoi. Aujourd’hui la solitude d’autrefois s’éclaire, je la comprends : ma vie était rude et sans amour. Je ne me suis jamais confiée à personne. Je m’enfermais dans mon orgueil. Fernand, je ne suis qu’une simple étudiante qui vous chérit. J’aime ma vie laborieuse, malgré ses rudesses ; vous m’aiderez à la supporter plus vaillamment.

Une ivresse le prenait à découvrir enfin, sous la froide figure de vierge cérébrale, la tendre jeune fille qu’il pressentait. C’était l’union éperdue de leurs deux âmes, précédant l’autre union.

— Oh ! Thérèse, murmurait-il à son tour, pardonnez-moi d’avoir voulu vous soustraire à votre magnifique destinée. J’étais fou. Mais c’est pour vous que j’existe, pour le double développement de votre cœur et de votre cerveau. Je m’y consacrerai. À votre cœur je donnerai la chaude atmosphère d’un culte ; à votre cerveau superbe, la liberté de s’épanouir complètement dans votre art.