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princesses de science

pêle-mêle entassés, les hommes et les femmes mangeaient voracement, avec un cliquetis de fourchettes. Un aspect farouche attristait tous ces visages affamés. Au contraire de ce qu’on voit d’habitude dans le moindre restaurant parisien, l’apparition de cette femme jolie et gracieuse ne fit bouger aucune tête ; pourtant il y avait là, mêlés à quelques robes misérables, une trentaine de jeunes hommes à la chevelure épaisse, aux pommettes dures, aux yeux ardents. Mais c’était dans l’inconnu que, tout en se gorgeant de pain, ils semblaient voir.

Au milieu des tables, un étroit passage était ménagé. Dina s’y glissa. À peine sa mince personne y trouvait-elle place ; et elle se hâtait, poussée par l’appétit de ses vingt-deux ans mal nourris. Çà et là, des mains s’offraient, qu’elle serrait sans rien dire : mains musclées et chaudes d’adolescents, mains fiévreuses de rêveurs nihilistes, mains de jeunes filles, négligées, aux ongles coupés trop ras. Et ainsi elle gagna la cuisine, où deux femmes s’affairaient, près des fourneaux, à remplir des assiettes tendues.

Sur une table, Dina choisit un verre, un couteau, une fourchette d’étain et une grosse assiette de faïence qu’elle se fit garnir de macaroni pour quatre sous ; on y ajouta, pour six sous, une portion de bœuf bouilli, et, pour deux sous, un morceau de pain. Elle paya de sa pièce d’or, et, ayant ramassé la monnaie avec un soin minutieux, elle se mit en