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princesses de science

qui l’entourait et la vie du souvenir où il retrouvait sa compagne, l’oncle Guéméné, à l’extrémité du salon, voyait impassiblement se nouer et se dénouer les groupes. Il était venu par tendresse pour Thérèse qui l’en avait prié, espérant le distraire. Rien de commun n’existait plus entre lui et le monde. Ses traits las, ses épaules affaissées, exprimaient un souverain détachement. Mais, lorsque son regard se fut posé sur le malade, il alla vers lui, comme attiré par une passion de pitié. Alors le silencieux Jourdeaux devint loquace : il savait son interlocuteur médecin, et se hâta d’accuser un cancer du foie ; se flattant d’intéresser un professionnel, il s’offrit comme un « cas », raconta ses misères avec prolixité et, tout en parlant, le malheureux, de sa main blême et décharnée, se caressait l’hypocondre machinalement.

Les yeux du veuf, indifférents et froids, prirent une douceur extraordinaire, et, tandis qu’ils se fixaient sur ceux du malade :

— Un cancer, monsieur ?… Et qui vous l’a dit ?… Quel médecin peut diagnostiquer sûrement un cancer du foie ?

— J’ai lu des livres de médecine, j’ai fait des rapprochements faciles ! soupira le pauvre homme.

— Et si dans un an vous étiez guéri ? demanda gravement l’oncle Guéméné, avec des réticences et une autorité où il y avait un infini de compassion.

Un éblouissement, quelque chose d’indicible