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princesses de science

dez-leur si elles s’émeuvent, demandez-leur si elles pleurent, demandez-leur surtout pourquoi elles soignent et si la seule pitié humaine les a conduites là où elles sont.

— Bravo ! fit très haut madame de Bunod qui haïssait la doctoresse Lancelevée pour la passion qu’elle avait inspirée à son fils.

Artout riait à pleine gorge, en donnant des coups de poing sur la table. Cette hardie mercuriale, jetée sans vergogne à la face des doctoresses présentes, lui semblait très crâne, très amusante, l’enchantait. Et il ne réfutait rien, laissait la verve de Janivot s’écouler, jouissait de l’ébahissement général. Le maître Herlinge paraissait beaucoup moins satisfait. Son œil bleu s’allumait d’un reflet dur dans son visage parcheminé. Il était fier de sa fille, et ces propos, loin de l’égayer, l’irritaient secrètement.

— À la Présidence, on ne partage pas votre opinion, mon cher ! dit-il enfin : on y accorde la plus absolue confiance à madame Lancelevée.

Des parfums de viandes grillées, de gibier épicé, aromatisé aux baumes violents, s’épandaient dans l’air. La chaleur des lumières développait l’odeur capiteuse des corolles épanouies ; les gâteaux et les crèmes fleuraient la vanille sucrée. Et, pendant que le brouhaha des voix s’élevait plus confusément, le valet de chambre des Herlinge, important et gourmé, tournait autour de la table, promenant deux bouteilles poussiéreuses dont il glissait les