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princesses de science

consultation indiscrète que, depuis le commencement du repas, elle lui arrachait bribe à bribe, comme s’il avait pu, avec des mots, lui guérir son mari. Mais la douce jeune femme, devinant peut-être, par une délicate intuition, ce qu’il endurait, commença :

— Le docteur Boussard ne dit pas tout. Une femme doit se trouver bien heureuse d’être assez aimée pour qu’on l’épouse malgré tous ses devoirs professionnels, qui font si peur aux maris, d’ordinaire !

Puis elle conta que, deux ans auparavant, elle avait aperçu à Vichy mademoiselle Herlinge. Combien elle l’avait admirée ! Ah ! un homme devait être fier d’une telle épouse. Quelle belle association conjugale !… Elle aurait tant aimé être médecin, elle, pour soigner son pauvre mari !… Et ses yeux cherchaient, à l’autre bout de la table, Jourdeaux qui, de tout le dîner, n’avait pris que quelques gouttes de lait.

Madame Herlinge ne se mêlait guère aux conversations ; elle écoutait d’une oreille distraite, mangeait à peine. Ses yeux gris, furtivement, surveillaient ses dix-sept convives ; elle scrutait leur assiette, leur verre, leur pain, jusqu’à leur physionomie ; et l’expression de sensualité qu’ils laissaient voir, quand passait un met plus exquis, flattait secrètement son orgueil. Le valet et la femme de chambre avaient à leur tour les yeux fixés sur les siens ; de ses prunelles, secrètement,