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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/192

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princesses de science

decins qui s’étaient inoculé à eux-mêmes les toxines. Pautel émit l’idée que les criminels pourraient être condamnés à servir de champ d’expérience, ce qui fut chaudement controversé. Les uns trouvaient à cette conception une horreur « moyen-âgeuse », les autres auraient aimé que ces rebuts de la société fussent, en périssant, utiles au bien commun. Puis de nouveaux points de casuistique médicale furent passés en revue. La fumée des cigares obscurcissait la pièce. Les livres de la bibliothèque, les dos de chagrin rouge, la toile bise des brochures scientifiques, le vert bronze des infolio, n’apparaissaient plus qu’à travers une gaze bleuâtre. Le bruit des voitures, sur l’avenue, entrait par la fenêtre ouverte. Dans un pan de l’espace on apercevait, dessiné par quatre points d’or scintillants, le gigantesque alpha qu’inscrit au ciel Cassiopée. Boussard, d’une mentalité subtile, parlait des piqûres de morphine qui précipitent le dénouement des agonies douloureuses. Avait-on le droit d’y consentir ? Lui connaissait, à ce sujet, de grands troubles. Quand la morale et l’humanité entrent en conflit, que peut décider l’incertaine conscience ?

— … Et je cède à l’humanité, continuait-il de sa voix sourde d’homme modeste. Délibérément je donne la mort, offensant l’impitoyable morale, mais choisissant de commettre l’acte dont je souffre seul, plutôt que de tolérer les douleurs du moribond.

Janivot jugeait la question beaucoup plus simple :