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princesses de science

elle figurait bien, tout à l’heure, près de Boussard, ce prince de science que les journalistes allemands venaient interviewer des plus lointaines villes de la Pologne prussienne ! Elle avait osé contredire Artout. Elle avait réduit au silence Janivot, l’aliéniste opulent. Mais lui, quel pauvre personnage jouait-il ici ?

Son sang affluant au cerveau lui martelait les tempes. Il se sentait la tête pesante. Il prenait soudain conscience de son intellectualité saine, active, mais que nulle ambition n’avait jusqu’alors exaltée. Le coup de fouet de l’humiliation avait provoqué au fond de son être un sursaut d’orgueil offensé. Serait-il donc toujours un petit garçon près de Boussard, et, pour Herlinge, pour tous, « le mari de la doctoresse » ?…

Et il aspirait longuement l’air plus frais qui venait de l’avenue.

Il pensait ne jouir ici que d’une médiocre considération, ce dont il ne s’était jamais soucié avant ce soir, dans sa belle imprévoyance de modeste. Un désir ardent de notoriété s’éveillait en lui. Il contempla Boussard, qui fumait sous le lustre, et l’envia. Il envia jusqu’aux soixante ans majestueux d’Artout, contre lesquels il eut troqué sa jeunesse pour s’imposer à Thérèse, en maître. Mais que faire ?… Il s’imaginait que, le jour où il serait célèbre, elle s’inclinerait ! L’aimait-elle seulement ? Savait-on !… Et il eut des larmes qu’il cacha en regardant au dehors.