Page:Yver - Princesses de Science.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
princesses de science

Le sommeil les unissait encore, harassés tous les deux, vaincus. Dès le matin, leurs vies divergeaient de nouveau.

Un soir, Guéméné rentra souffrant. Il ne se plaignit pas. Il connaissait trop les soucis professionnels de Thérèse, si différents des menues et tendres inquiétudes domestiques qui préoccupent une simple épouse. Il se mit seulement au lit plus tôt que de coutume, se tâtant le pouls, les yeux sur son chronomètre.

Le lendemain, trois cas intéressants l’attendaient du côté de la Bastille et, de plus, il devait voir Jourdeaux qu’il soignait assidûment. Il sortit à l’heure ordinaire, mais une telle faiblesse le prit, en fiacre, qu’il dut donner l’ordre au cocher de rebrousser chemin. À dix heures, il rentrait chez lui, les jambes chancelantes, sentant des vertiges, des nausées, des frissons. L’idée lui vint de la fièvre typhoïde : il chercha les prodromes des jours précédents. Pour monter l’escalier il lui fallut se tenir à la rampe. Le valet de chambre venait à lui ; Guéméné ne put dire que deux mots :

— Mon lit…

Alors il pensa que Thérèse n’était pas là, qu’elle ne serait pas là de tout le jour ; et il eut une impression poignante d’abandon. Quand il fut couché, la vieille Rose entra dans sa chambre. En le voyant si mal, elle voulut aller avertir Madame à l’Hôtel-Dieu, mais il s’y opposa par une pudeur d’amant insuffisamment aimé, qui