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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/224

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princesses de science

lent près de leurs fils, des femmes qui, devant nous, découvrent la poitrine de leurs maris pour l’auscultation ?

Elle se redressait, voulant paraître imperturbable et glacée. Elle n’en était que plus belle. Ses pommettes enflammées, ses yeux passionnés, les palpitations de son corsage, tout démentait cette théorie de l’être neutre qu’elle se disait. Artout répétait :

— Vous êtes étonnante, vous êtes étonnante. C’est curieux.

Puis au bout d’un instant, avec la simplicité des gens de science pour qui la vérité ne s’enveloppe jamais d’équivoques hypocrites :

— Voyons, vous, femme d’une absolue franchise, vous n’avez jamais souhaité l’amour ? Vous ne regrettez jamais rien ? Tous vos besoins affectifs sont morts ?

— Non, dit-elle lentement, ils ne sont pas morts.

Puis, les bras croisés, les yeux à terre, indiciblement forte :

— Ils se réveillent quelquefois.

— Et alors ?

— Je les rendors en travaillant.

Il l’écoutait surpris ; jamais elle ne lui avait livré autant d’elle-même au cours de cette sempiternelle discussion qu’ils avaient tant de fois recommencée. Sollicitée par cet appel à sa franchise qu’avait fait son vieux maître, elle se crut même obligée à s’expliquer davantage.