Page:Yver - Princesses de Science.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
princesses de science

quelques mots. Guéméné jouissait déjà de ses vagues lueurs d’intelligence. Il ne désirait pas brusquer les choses ; ce lent éveil de son fils à la vie l’intéressait, le passionnait, le satisfaisait ; il l’aimait dans le présent plus encore que dans l’avenir.

En août, Thérèse étant complètement rétablie, les Guéméné reprirent le chemin de Morgat, où ils avaient laissé de si délicieux souvenirs l’an passé. Ils les y retrouvèrent. Fernand revivait toutes les phases de son roman. Deux années déjà s’étaient écoulées depuis leurs fiançailles, et au bout de ce temps la persistance de leur tendresse avait quelque chose de glorieux, de vainqueur. La beauté de sa femme l’émouvait toujours autant ; il avait toujours la même soif de ses caresses. Certes son amour avait subi une crise : Thérèse lui avait paru indomptable, presque dure, en refusant de nourrir l’enfant. Il ne le lui aurait pas avoué, il se le cachait à lui-même, mais, à ce moment-là, de grandes ténèbres avaient envahi son cœur : une tristesse glacée, ce qui doit enfin succéder à un immense bonheur évanoui. Puis sa passion, vigoureusement, l’avait repris. Il ne penserait plus à ce lait tari de force, à son désir inutile, à son principe de l’allaitement par la mère prêché partout, méconnu dans sa propre maison. Thérèse était ainsi, volontaire, exceptionnelle, — si supérieure ! — et il savait bien qu’il pourrait subir d’elle les pires chagrins et l’aimer encore. D’ailleurs, il était heureux. Quand il