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princesses de science

simple jeune fille lui aurait donné le bonheur ; et il se remémorait celles qu’il avait connues ; mais la volupté de certains souvenirs attachés à l’amour de Thérèse rendait impossible l’attrait des autres femmes. Et il s’en alla chercher des vestiges d’elle en franchissant la porte qui séparait leurs deux cabinets.

Il considéra son fauteuil de travail, sa table, sa plume, ses journaux, cet aspect scientifique du mobilier, la physionomie spéciale de cette pièce qui donnait l’idée d’une puissante existence cérébrale. Et il aurait voulu tout détruire, briser le bureau, la table de gynécologie, le microscope, brûler les journaux et les livres, en jeter au fleuve les débris et les cendres, anéantir tout ce qui lui enlevait sa femme, et l’emporter, elle, dans un désert, dépouillée de tout prestige et de tout diplôme, misérable, domptée, humiliée, pour la dominer, la posséder, se rassasier d’elle.

Il l’attendait avec une fièvre, une colère croissantes. Vers trois heures du matin, au jour naissant, il s’assoupit là, dans un fauteuil. À six heures, le bruit d’une porte qu’on ouvrait le fit sursauter. Thérèse était devant lui, toute fraîche sous sa voilette, fleurant l’humidité matinale, frissonnant un peu dans sa jaquette de drap ; et ce retour de l’épouse, au petit matin, le soin qu’elle prenait d’assourdir le bruit de ses bottines, tout avait un air clandestin, malséant, qui rappelait les romans d’adultère.