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princesses de science

mais du fond de mon âme monte contre toi un reproche si violent que je ne puis le taire. Ah ! ce n’est pas ainsi qu’une épouse se donne, et tiens, en ce moment, quand je te vois impassible, sans un mot, sans un émoi devant ce que j’endure, sans une concession, implacable enfin, ma colère se mêle à mon amour, je ne lis plus en moi, je voudrais te briser ; je ne sais plus… je ne sais plus !…

Elle s’effraya de le voir à ce point ravagé ; tout son amour se réveilla ; elle l’entoura de ses bras, sans raisonner, sans réfléchir ; elle murmura :

— Fernand !… comme tu me méconnais !

Alors ils s’enlacèrent, frémissants. Tout semblait illusion hormis la puissante passion qui les unissait. Cependant, ce qui les jetait ainsi l’un à l’autre, éperdus, c’était l’épouvante, le sentiment d’une ruine imminente, la prescience du danger. Elle répéta :

— Mon ami, tu méconnais ma tendresse. Pour ne pas s’exprimer toujours en cajoleries petites ou niaises, est-elle moins forte, moins grande ? Je t’aime lucidement, avec toute mon intelligence, tout mon cœur. Ma condition de femme cérébrale, en développant mon âme virilement, l’a faite capable d’un amour supérieur. Je le dis sans orgueil, peu d’hommes sont aimés plus noblement, plus absolument que toi. Qu’importe si je n’ai pas de mes mains, comme ma pauvre maman le fait chez elle, tourné les sauces, si j’ai omis de surveiller le pot-au-feu ? Que sont, pour des gens de notre sorte,