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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/281

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princesses de science

Thérèse demanda :

— Alors, vous ne regrettez rien ? Vous n’éprouvez pas un immense désœuvrement, la sensation d’un vide ?…

— Comment, ma chère ! mais c’était naguère que le vide existait dans ma vie. Maintenant tout est comblé. Je suis heureuse, pleinement satisfaite, et pas désœuvrée du tout, je vous assure : tenez, depuis ce matin je n’ai pas eu le temps de m’habiller !

— Oui, dit Thérèse, mais quelle différence aussi entre vos occupations actuelles et celles d’autrefois ! Il me semble que l’existence a dû perdre pour vous une partie de son charme, de son intérêt.

— Et mon mari ? s’écria la jeune femme, et mon enfant ? n’ai-je pas là des intérêts assez puissants pour me faire aimer l’existence ? Certes, je mordais bien à mon métier ; il m’amusait, à la fin, et je m’y donnais toute. C’était guérir surtout qui me paraissait beau ; guérir les pauvres vieillards, leur accorder quelques années de délai ; guérir les enfants, les rendre sains, forts, aptes au bonheur. Et aussi déchiffrer les maladies comme des rébus, pénétrer la physiologie, la chimie humaine ; et ces abominables ennemis de notre race, les infiniment petits qui nous dévastent, les étudier pour savoir les déjouer un jour, apporter enfin sa modeste contribution au grand labeur médical : tout cela c’était très bon. Mais aimer son mari, se consacrer à son bonheur, lui faire une maison et