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princesses de science

nécessaires au paiement. Et ils durent, tels des médecins besogneux, réviser ensemble les comptes de leur double clientèle, en notant les mauvais payeurs. Alors, ironique et triomphant, Guéméné fit sentir à Thérèse l’inutilité de ses gains, de son apport personnel, dans l’effréné désordre du foyer. Elle-même, dans son bel équilibre ami de la règle et des organisations fermes, s’effraya de cette constatation. Elle reçut avec soumission les remontrances de Fernand, ne répondit rien, et, quand elle fut seule à sa table de travail, pleura en silence.

Lui ne se résignait plus comme autrefois aux repas de hasard, tantôt soignés et tantôt détestables, qu’il trouvait à la maison, et qu’il prenait presque toujours seul. Thérèse, aiguillonnée par les craintes pécuniaires, n’osait plus refuser les accouchements ainsi qu’elle l’avait fait quelques mois. Comme la plupart des femmes élevées richement, elle avait de l’économie une idée sinistre et erronée. Elle entreprit des visites à pied pour décharger son budget de sa voiture au mois, et conçut en même temps le dérisoire projet d’en faire davantage en une seule journée. Ce surmenage l’épuisait. Incapable de travailler le soir, elle tombait harassée sur son lit. Quand Fernand venait l’y rejoindre, il la regardait, froidement et sans émoi, endormie sur l’oreiller. La lumière électrique, au-dessus du chevet, éclairait crûment ce beau visage où la fatigue commençait à creuser des maigreurs. Elle avait trente ans à peine : il la sentait vieillir ; et,