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princesses de science

bravoure, sa vaillante bonne humeur, sa lutte héroïque d’humble femme contre l’existence. Thérèse s’émut. Les larmes lui vinrent.

— Ma pauvre madame Adeline ! dit-elle seulement.

Et, debout devant la doctoresse, lui serrant la main, elle la considérait avec pitié, avec désolation.

— Le pire, continua celle-ci, c’est que ce désastre de ma maison, j’en suis la seule cause. Oh ! ne vous récriez pas : je sais réfléchir et comprendre aujourd’hui. Ma vie fut une longue et grande erreur. Je ne devais pas être médecin ; mon devoir était ici, chez moi, à tenir ma maison, à faire fructifier par l’économie, par la bonne organisation et le travail ménager, les appointements de petit employé que m’apportait mon mari. On a trois pièces, on fait soi-même son marché, sa popote, on raccommode son linge, on garde ses enfants, on choie son homme… Mais non ! je ne me sentais pas plus sotte qu’une autre, j’aimais l’étude et j’avais l’orgueil du travail cérébral que je pouvais fournir : pourquoi rester dans l’obscurité pauvre d’un tran-tran tout matériel, quand je me sentais capable d’entreprendre un chic métier ? Et j’entrevoyais une existence intéressante et distinguée. Il y a vingt ans, ma chère, les femmes médecins ne couraient pas les rues. C’était une profession originale qui vous mettait en relief ; on parlait de vous dans les journaux comme d’un cas rare. C’était plus alléchant que de s’enfermer