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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/345

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princesses de science

sous, une fois l’ordonnance rédigée !… Et quel gâchis dans le ménage ! Une domestique à cinquante francs ne suffisait pas, il fallait lui adjoindre une femme de ménage, et payer en sus les mois de nourrice des enfants… Et les mois d’épicerie, de boucherie, que je ne pouvais vérifier ! C’est aussi la viande qu’on laissait gâter dans le garde-manger, le beurre qu’on gâchait, le café, le sucre, qu’on volait, et je n’avais pas de contrôle, impossible de parer à ces fuites invisibles de l’argent : il fallait s’en tirer en préparant des rentrées toujours plus fortes… Ainsi, pour faire marcher une maison que les domestiques avaient mise sur le pied de quinze mille francs, je vivais en galérienne. Dieu merci, j’avais un rude tempérament ; mais, de plus en plus, je désertais mon intérieur. Adeline, lui, était comme veuf. Même la nuit, il ne m’avait pas… Vous connaissez ça, ma pauvre amie ; quelquefois on est à peine dans ses draps que la sonnette vous réveille… Encore vous, vous pouvez en prendre à votre aise, tandis que moi !… Avais-je le droit de refuser un accouchement, dût-il ne me rapporter que quarante francs chez des pauvres ?… Voyez-vous, mieux eût valu pour Adeline que je fusse morte. Les hommes sont les hommes : il en aurait trouvé une autre… Moi là, il se résignait, attendait, souffrait et s’ennuyait. Un jour, l’alcool l’a surpris. Il s’y est peu à peu accoutumé et dès lors a cherché dans l’ivresse l’oubli de sa solitude et de ses embêtements… Il ne demandait pourtant qu’à