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princesses de science

amant qui l’écoutait, mélancolique. Elle aimait bien son maître, dont elle disait toujours, dans son admiration très simple d’élève : « Mon grand Boussard ». Elle fut révoltée de le voir souffrir, sans foyer, sans famille, aux ordres de cette femme qui ne répondait à sa passionnée tendresse qu’en lui distillant, capricieusement, quelques gouttes de bonheur. Alors une idée lui vint. Fière de son sacrifice dont elle sentait tout à coup l’impérieuse nécessité, elle décida de le publier ici même, en pleine réunion médicale, non pas comme une désertion qu’on avoue, mais comme une victoire dont on se glorifie. Il lui plut de proclamer le triomphe de son cœur sur son cerveau, à la face de cette Lancelevée qui, entre l’impossible vie conjugale et ce même sacrifice, avait choisi le moyen terme de l’union libre : le plaisir dans l’amour dépourvu de devoirs.

À cette minute, le docteur Herlinge sortait de la salle suivi de l’interne. Il était en blouse et en tablier. Artout portait une redingote, Boussard un veston ; Durand-Blondet, en manches de chemise, tenait sa blouse sur son bras. Les jeunes médecins, à voix basse, causaient à l’écart de Marie Boisselière, cette ancienne institutrice sans le sou, venue de Bordeaux à vingt ans, peinant à donner ses leçons, et s’avisant, un jour, de faire sa médecine pour sortir de sa médiocrité misérable. Elle portait dans son crâne, solide comme celui d’un homme, un cerveau masculin. Ses études