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princesses de science

tempes, sur ses cheveux, et il disait âprement :

— Je suis tellement sevré de ces douceurs !

Elle demanda, dans sa délicieuse pitié qui lui semblait sanctifier tout :

— Pauvre ami ! votre femme est donc si indifférente pour vous ?

— Ah ! reprit-il avec cette cynique injustice que donne la passion, ma femme a séparé ma vie de la sienne. J’ai trente-cinq ans, et le cœur muré dans un tombeau…

Elle frémit, dégagea sa main et garda le silence. Elle choisit un fil de soie, chercha son aiguille. Elle tremblait. Ses yeux troublés n’y voyaient plus.

Alors il implora tout bas :

— Dites-moi : « Je vous aime ».

Elle se raidit.

— Non, non, je n’ai pas le droit.

— Quoi ! vous n’avez pas le droit ! Vous êtes seule, maîtresse de vous-même, de votre cœur, de votre personne ; je vous ai donné toute mon âme, toutes mes pensées, et je vous porte vivante en moi jour et nuit ; je suis le seul être qui vous chérisse avec cette force, cette tendresse, et vous n’auriez pas le droit de me donner cette joie : entendre vos lèvres m’offrir ces deux mots que j’attends, qu’il me faut, que je veux !

— Oh ! mon ami ! mon ami ! murmura-t-elle épouvantée, calmez-vous, je vous en supplie. Vous non plus, vous n’avez pas le droit, vous appartenez à une autre.