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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/46

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princesses de science

que cette inlassable passion qu’elle excitait chaque jour plus forte, en dépit de la maladie, de la décomposition lente de son beau corps.

Ils s’étaient installés boulevard Saint-Michel, en face du Luxembourg. Fernand allait souvent y prendre des nouvelles de la malade. Il avait assisté à la sanglante opération qu’avait tentée Artout, le grand gynécologue, et après laquelle le mal s’était aggravé. Madame Guéméné le recevait toujours, s’émaciant de plus en plus, affaiblie, presque aphone, mais demeurant gaie, spirituelle et sereine, par compassion pour le compagnon qui, debout au pied du lit, ne détachait pas d’elle ses yeux navrés. Elle ne parlait jamais de la mort qu’elle savait prochaine, mais uniquement de littérature et d’art. Son mari s’efforçait à soutenir le ton allègre de la causerie. C’était pitié de les voir jouer l’un et l’autre cette comédie de la quiétude alors que leurs âmes défaillaient à l’idée de se séparer bientôt.

Le jeune homme repassait dans son esprit ces visites. Elles n’avaient pas été sans influence sur sa vie sentimentale. Cette passion noble et douloureuse, d’un parent à peine plus âgé que lui de dix-huit ans, lui avait inspiré, d’une passion semblable, un désir philosophique et ambitieux. Il avait envié cette héroïque tendresse. Elle ne contribua pas peu à mêler d’un mysticisme exalté son amour pour mademoiselle Herlinge.

Et c’était maintenant de cette admirable créa-