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princesses de science

si elle souffrait. Oh ! oui, douce et vaillante, jusqu’à la fin, jusqu’à la dernière minute où elle m’a souri…

Calme et serein, il semblait ne parler que pour elle. Il poursuivit :

— Mais tant que je la vois ici, je n’ai pas le sens de mon malheur…

Ce flot de paroles passionnées disait l’état de crise passagère où sa douleur s’anesthésiait elle-même à force d’intensité ; mais bientôt il se tut. L’effrayant silence reprit dans le crépuscule de la chambre ; les bougies s’usaient lentement ; leurs flammes s’allongeaient en de courtes vibrations ; des fleurs exhalaient leur parfum ; dans l’air une mouche invisible et sinistre bourdonnait. Les deux hommes respiraient et souffraient, tandis que la morte inexorable refusait de communier à la vie ambiante. On entendait aussi le frêle battement de la pendule qui mesurait, seconde par seconde, rigoureusement, les heures de la présence funèbre.

Fernand Guéméné tout à coup éprouva une gêne de s’attarder en tiers dans ce tête-à-tête suprême des deux amants. Quoi ! il eût été importun et indiscret de se mêler à l’intimité sacrée du premier jour d’union, alors que devant les époux s’amoncelaient, radieuses, les joies promises, et, le dernier jour venu, la part des joies épuisées, il pourrait sans indélicatesse violer les brefs instants de l’intimité mortuaire ?…

À pas de loup, il s’écarta du lit, gagna la porte, presque honteux d’être là. Sans bruit, il sortit.