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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/63

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princesses de science

passait plus dans la rue, devant un hôpital, sans que toute sa personne frémît de désir. La vue même d’une croix de Genève, emblème des infirmières, aperçue d’aventure, l’impressionnait.

Ses parents objectaient :

— Si encore tu avais besoin de cela pour vivre !…

Et, comme ils ne cédaient pas, cette médecine défendue se faisait plus désirable.

Sa vie de riche héritière parisienne s’écoulait monotone. La futilité l’en désespérait. Les courses aux côtés de sa mère chez la modiste, la couturière, dans les grands magasins, lui étaient intolérables. Madame Herlinge recevait le mardi : Thérèse, ce jour-là, devait offrir, avec mille sourires, le thé et les gâteaux à ces femmes du monde dont elle prisait si peu les propos. Ah ! comme elle aurait choisi d’être quelque pauvre étudiante dont le mérite personnel éclate, plutôt que l’élégante jeune fille prisonnière de ce salon ! D’ailleurs, la société des femmes lui déplaisait. Elle aimait les dîners d’hommes que donnait le docteur, l’odeur des cigares, des liqueurs, et, par-dessus tout, les causeries abstraites où elle brûlait qu’on l’admît. Mais on ne l’y mêlait pas, et la courtoisie de ces savants, qui dédaignaient son intelligence, l’exaspérait.

Cette vie lui devint à ce point insupportable qu’elle en dépérit. Son père l’ausculta, la mit aux vins fortifiants. On fit venir Artout. Elle s’ouvrit à lui de son désir d’être médecin. Les parents