Principes d’économie politique/0-VI

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VI

LES DIVERSES ÉCOLES AU POINT DE VUE DES TENDANCES

Ce n’est pas seulement pour la méthode à suivre mais pour les solutions à proposer, que les économistes sont divisés en nombreuses écoles — presqu’autant que les philosophes. C’est incontestablement un signe d’infériorité. Il ne suffit pas de dire, pour se consoler, que l’économie politique n’a guère plus d’un siècle d’existence et que ce défaut passera avec l’âge. D’autres sciences qui ne sont guère plus vieilles, qui ont à peine dépassé une vie d’homme, sont arrivées déjà à constituer un ensemble de principes assez certains pour obtenir l’adhésion unanime de tous ceux qui les cultivent. Mais, comme on l’a fait remarquer souvent, les faits économiques nous touchent de trop près, ils mettent trop en jeu nos intérêts et nos passions pour que les hommes puissent les étudier avec la belle sérénité d’âme d’un astronome contemplant les étoiles.

Les divergences tiennent donc au caractère moral et politique de cette science et il n’est pas probable qu’elles disparaissent jamais, bien qu’il y ait lieu d’espérer qu’on arrivera à s’entendre sur la véritable signification des faits et ce sera déjà beaucoup.

On peut distinguer dans le mouvement économique et contemporain cinq écoles, cinq tendances, si l’on veut, assez nettement caractérisées.

§ 1. — École libérale.

La première de ces écoles est celle que nous avons déjà citée sous le nom de classique, mais qu’il vaut mieux appeler libérale en raison de la formule fameuse qui lui sert de devise[1]. Mais est-ce bien « une école » ? Ses partisans s’en défendent avec hauteur et prétendent représenter la science elle-même. Ils se donnent à eux-mêmes, et leurs adversaires leur concèdent même le plus souvent, le titre de « économistes » tout court. Il est vrai que les origines de cette école se confondent avec celle de la science économique elle même. Sa doctrine est fort simple et peut se résumer en trois points.

1° Les sociétés humaines sont gouvernées par des lois naturelles que nous ne pourrions point changer quand même nous le voudrions, parce que ce n’est pas nous qui les avons faites, et que, d’ailleurs, nous n’avons point intérêt à modifier quand même nous le pourrions, parce qu’elles sont bonnes ou du moins les meilleures possibles[2]. La tâche de l’économiste se borne à découvrir le jeu de ces lois naturelles, et le devoir des individus et des gouvernements est de s’appliquer à régler leur conduite d’après elles.

2° Ces lois ne sont point contraires à la liberté humaine ; elles sont, au contraire, l’expression des rapports qui s’établissent spontanément entre les hommes vivant en société, partout où ces hommes sont laissés à eux-mêmes et libres d’agir suivant leurs intérêts. En ce cas, il s’établit entre ces intérêts individuels, antagoniques en apparence, une harmonie qui constitue précisément l’ordre naturel et qui est de beaucoup supérieur à toute combinaison artificielle que l’on pourrait imaginer.

3° Le rôle du législateur, s’il veut assurer l’ordre social et le progrès, se borne donc à développer autant que possible ces initiatives individuelles, à écarter tout ce qui pourrait les gêner, à empêcher seulement qu’elles ne se portent préjudice les unes aux autres, et par conséquent l’intervention de l’autorité doit se réduire à un minimum indispensable à la sécurité de chacun et à la sécurité de tous, en un mot à laisser faire[3].

Une telle conception ne manque, certes, ni de simplicité ni de grandeur. Quelle que soit la destinée qui lui est réservée, elle aura du moins le mérite d’avoir servi à constituer la science économique, et si d’autres doctrines doivent la remplacer un jour, elle restera le fondement sur lequel celles-ci auront bâti.

Le plus grave reproche qu’on puisse faire à cette doctrine, c’est une tendance très marquée à l’optimisme, tendance qui parait inspirée beaucoup moins par un esprit vraiment scientifique que par le parti pris de justifier l’ordre de choses existant. Sans doute quand on considère l’organisation économique d’une société et les institutions qui en sont le fondement, on est autorisé à conclure qu’elles sont bonnes par certains côtés, puisqu’elles démontrent suffisamment, par le fait même de leur existence et de leur durée, une valeur au moins relative : on est même autorisé à conclure qu’elles sont naturelles, en ce sens qu’elles sont évidemment déterminées par la série des états antérieurs qui leur ont donne naissance ; mais on n’est nullement autorisé à conclure qu’elles sont les meilleures possibles. Cette conclusion est tout à fait irrationnelle[4].

L’idée que l’ordre économique existant est le produit spontané de la liberté — et qu’il ne pourrait être remplacé que par un ordre fondé sur la contrainte et par conséquent pire — ne parait pas plus exacte. Cet ordre est, pour une part au moins, le résultat, soit de faits de guerre et de conquête brutale (par exemple, l’appropriation du sol de l’Angleterre et de l’Irlande par un petit nombre de landlords a pour origine historique la conquête, l’usurpation ou la confiscation), soit de lois positives édictées par certaines classes de la société à leur profit (lois successorales, lois fiscales, etc.). Si donc le monde était à refaire et s’il pouvait être refait dans des conditions de liberté absolue, rien ne prouve qu’il fût semblable à celui qui existe aujourd’hui[5].

On n’est pas davantage autorisé à conclure que parce que les lois naturelles sont permanentes et immuables, les faits et les institutions économiques actuelles doivent avoir aussi un caractère de permanence et d’immutabilité. C’est là un pur sophisme, pour ne pas dire un jeu de mots. Si, au contraire, comme tend à le croire la science contemporaine, la loi naturelle par excellence est celle de l’évolution, alors il faudrait dire que les lois naturelles, bien loin d’exclure l’idée de changement, la supposent toujours. Si nous prétendons, par exemple, que le salariat doit disparaître, parce que de même qu’il a succédé au servage et à l’esclavage, de même il sera remplacé à son tour par la coopération ou tout autre état innommé, on peut sans doute critiquer notre argumentation, mais on ne peut prétendre qu’elle soit en contradiction avec les lois naturelles, puisque ces mêmes lois font succéder sur une même plante la fleur à la graine et le fruit à la fleur.

Et non seulement les faits et les institutions économiques peuvent changer, mais encore notre volonté n’est certainement pas impuissante à déterminer ces changements. En fait, cette volonté s’exerce tous les jours sur les faits de l’ordre physique, et de la façon la plus efficace, pour les modifier suivant nos besoins, et cette action raisonnée de l’homme sur les phénomènes naturels n’est nullement incompatible avec l’idée de loi naturelle : elle lui est au contraire intimement liée[6].

Sans doute, il est certains faits qui échappent, par leur immensité ou leur éloignement, à toute action de notre part, tels que les phénomènes de l’ordre astronomique ou géologique ou même météorologique nous n’avons ici qu’à les subir en silence et notre faculté de prévision ne saurait nous permettre d’échapper au choc d’une comète ou à un tremblement de terre : — mais que d’autres domaines où notre science est quasi souveraine La plupart des composés de la chimie inorganique, et les plus importants, ont été créés par le savant dans son laboratoire. À voir l’éleveur de bétail dans ses étables, ou l’horticulteur dans ses jardins, modifier sans cesse les formes animales ou végétales et créer des races nouvelles il semble que la nature vivante se laisse pétrir aussi docilement que la matière inerte. Même les phénomènes atmosphériques n’échappent pas absolument à l’empire de l’industrie humaine celle-ci émet la prétention, par des défrichements ou des reboisements appropries, de modifier le régime des vents et des eaux et, renouvelant le miracle du prophète Élie, de faire descendre à son gré du ciel la pluie et la rosée !

À plus forte raison, notre activité peut-elle s’exercer sur les faits économiques, précisément parce que ce sont des faits de l’homme, et que nous avons immédiatement prise sur eux[7]. Sans doute, ici, comme dans le domaine des phénomènes physiques, cette action est renfermée dans certaines limites que la science cherche à déterminer et que tous les hommes, soit qu’ils agissent individuellement par des entreprises privées, soit qu’ils agissent collectivement par des règlements législatifs, devraient s’efforcer de respecter. C’est le cas de répéter le vieil adage de Bacon : naturæ non imperatur nisi parendo, (on ne peut modifier les faits qu’à la condition de connaître les lois naturelles qui les gouvernent et de s’y conformer). L’alchimie s’efforçait de convertir le plomb en or : la chimie a abandonné cette vaine recherche depuis qu’elle a constaté que ces deux corps sont des éléments simples ou du moins irréductibles, mais elle n’a pas renoncé à convertir le charbon en diamant, parce qu’elle a constaté au contraire qu’il n’y a là qu’un même corps sous deux états différents. L’utopiste torture inutilement la nature pour lui demander ce qu’elle ne peut lui donner : l’homme de science ne lui demande que ce qu’il sait être possible. Mais la sphère de ce possible est infiniment plus vaste que ne le pense l’école classique.

§ 2. — École socialiste.

L’école socialiste est aussi ancienne que l’école classique : on peut même dire qu’elle l’est davantage, car il y a eu des socialistes longtemps avant qu’on connût une économie politique ; cependant, ce n’est qu’après que la science économique a pris un caractère scientifique que le socialisme s’est constitué par le fait même de son antagonisme avec elle. Les doctrines de cette école ayant surtout un caractère critique et étant assez divergentes, il est beaucoup plus difficile de les formuler que celles de l’école précédente. Voici cependant comment on peut les résumer[8].

Toutes les sectes socialistes ont ceci de commun qu’elles considèrent l’organisation des sociétés modernes comme entachées de certains vices incurables qui doivent entraîner leur fin dans un délai plus ou moins rapproché.

Elles voient la source de tous ces vices dans la concurrence et dans la propriété individuelle et s’efforcent de démontrer que ces institutions tendent constamment à sacrifier l’intérêt général à l’intérêt individuel, à augmenter sans cesse les richesses d’un petit nombre d’hommes en même temps qu’elles multiplient le nombre des pauvres et à réaliser ainsi de plus en plus la vieille devise paucis humanum genus vivit.

Elles attendent donc un ordre de choses nouveau dans lequel la propriété individuelle sera sinon complètement supprimée, du moins de plus en plus réduite. Et suivant qu’elles se montrent plus ou moins exigeantes sur ce point capital, elles peuvent être ainsi classées suppression de la propriété privée pour tous les biens, communistes et anarchistes ; suppression de la propriété seulement pour les instruments de production, collectivistes ; suppression de la propriété seulement pour la terre et les maisons, nationalistes.

Quant aux autres traits de cette société future, ils sont encore fort indéterminés. Les anciens socialistes (Thomas Morus, Saint-Simon, Fourier) qu’on qualifie dédaigneusement d’utopistes et dont les doctrines sont aujourd’hui assez discréditées, peut-être trop, s’étaient complu à la construire de toutes pièces d’après certaines idées de justice a priori. Les autres, qui prennent fièrement le titre de socialisme scientifique (Karl Marx, Lassalle), prétendent que cette société future saura bien se dégager d’elle-même de la société actuelle comme le papillon de sa chrysalide et se refusent à en donner dès à présent la figure. La partie la plus intéressante et la plus originale de leur thèse consiste à démontrer que cette société future se trouve déjà contenue, comme à l’état d’embryon, dans le sein de nos sociétés modernes qui seraient mûres pour cet enfantement[9] ; et ils se bornent à indiquer certains traits qui, d’après eux, en sont les prodromes, tels que la grande production, le machinisme, le développement des services publics.

Cette école ne conteste nullement, comme on le répète à tort, l’existence de lois naturelles ; elle est, au contraire, déterministe à outrance. Seulement, tandis que ce mot « loi naturelle » implique pour l’école libérale l’idée de stabilité et d’immutabilité, ce même mot implique pour l’école socialiste contemporaine l’idée de changement et de transformation indéfinie. Au lieu de se représenter les sociétés humaines, comme Bastiat se représentait le monde planétaire tournant autour d’un point fixe et suspendu dans un équilibre éternel qui ne se trouble jamais, elle se le représente à la façon d’une plante ou d’un animal qui, de la naissance à la mort, se transforme sans cesse — et il faut reconnaître que ce point de vue est mieux conforme à l’esprit de la science contemporaine. En outre, la plupart des socialistes attendent la Révolution comme une mesure indispensable pour substituer l’ordre de choses nouveau à l’ordre de choses actuel. De la part d’évolutionnistes, cette façon de voir peut étonner au premier abord : ils s’efforcent de la justifier en faisant observer que le procès de révolution s’accomplit souvent par des crises, c’est-à-dire par le passage brusque et même violent d’un état à un autre, témoin la chrysalide qui doit, pour devenir papillon, déchirer son cocon, ou le poussin qui, pour sortir de l’œuf, doit en briser la coquille à coups de bec.

Toute l’école socialiste — hormis la secte anarchiste qui est au contraire individualiste à outrance — est naturellement disposée à étendre autant que possible les attributions des pouvoirs collectifs, représentés soit par l’État, soit par les communes, puisqu’en effet leur but est d’arriver à transformer en services publics tout ce qui est aujourd’hui du ressort de l’entreprise privée[10].

Il est impossible d’apprécier dans ce chapitre la valeur des critiques que l’école socialiste dirige contre l’ordre social actuel ; nous les rencontrerons sans cesse au cours de nos explications. Disons cependant dès à présent que la part de vérité qu’elles contiennent paraît assez grande et qu’elles ont exercé, à tout prendre, une influence salutaire sur les esprits et les tendances de ce siècle.

Mais c’est au point de vue positif, ou, si l’on veut, constructif, que se trouve le côté faible de cette école. Quels que soient, en effet, les imperfections ou même les dangers de l’intérêt personnel, du désir de s’enrichir, en tant que moteur de tout le mécanisme économique, on n’imagine pas aisément par quel autre ressort on pourra faire agir les hommes : on n’en aperçoit que deux autres auxquels on puisse songer, l’un s’appelle la contrainte et l’autre l’amour.

Or, quant à l’amour d’abord — ou comme l’on dit en l’opposant à « l’égoïsme » — quant à « l’altruisme », ce serait, certes, la vraie solution et il faut espérer qu’un jour elle se réalisera. Mais les socialistes qui comptent dès à présent sur ce mobile font preuve d’un optimisme bien moins justifié encore que celui que nous reprochions tout à l’heure aux économistes. Avant que l’homme, en effet, se décide à travailler uniquement pour l’amour du prochain, il faudra une transformation plus radicale que celle que pourra produire n’importe quelle révolution socialiste il ne suffira pas de changer le milieu dans lequel il vit, il faudra changer son cœur.

Il est donc à craindre que les socialistes, à défaut de l’amour, ne soient obligés de se rabattre sur la contrainte. Or, outre que ce serait payer trop cher le bien-être général que de le payer au prix de la liberté, il est à craindre que même à ce prix on n’atteignit pas encore le résultat désiré. En effet, la production des richesses, pour être abondante, exigera toujours le déploiement maximum des énergies individuelles et l’expérience prouve que ces énergies ne sauraient prendre leur essor sous un régime de contrainte. Quant à penser, comme paraissent le croire certains socialistes, que l’initiative individuelle, l’esprit d’entreprise, pourra devenir moins nécessaire à mesure qu’on recourra à l’action des corps collectifs, État, communes, corporations puissamment organisés, — cette thèse non plus ne paraît pas fondée, car l’expérience de tous les jours nous apprend que les associations, grandes ou petites, ne valent rien de plus que ce que valent les individus qui les dirigent : par conséquent, tout système qui tendra à réduire les énergies individuelles n’aura pas chance d’obtenir grand chose de bon des collectivités, si ingénieusement d’ailleurs qu’elles puissent être organisées.

§ 3. — Socialisme d’État.

Cette doctrine ne se confond nullement avec la précédente. Au contraire elle se présente comme son antidote et est généralement aussi en faveur auprès des gouvernants que l’autre l’est auprès des révolutionnaires.

Elle se rattache étroitement par ses origines à l’école historique dont nous avons parlé dans le chapitre précédent. Celle-ci ne s’est distinguée d’abord de l’école classique que par la méthode, mais elle n’a pas tardé à s’en séparer par ses tendances et son programme. Elle a commencé par rejeter absolument le principe caractéristique de l’école libérale le « laisser-faire ». Elle assigne à la science un but pratique : elle considère comme surannée, du moins quand il s’agit des sciences sociales, la vieille distinction entre l’art et la science et revient par là à la conception des premiers économistes. Elle estime, en effet, que nous ne pouvons songer à modifier les institutions économiques que dans le sens que l’histoire nous indique, mais que dans ce sens-là nous pouvons et nous devons le faire[11], et que par conséquent la science renferme l’art de la même façon que le passé renferme l’avenir. Ce qui est, ce qui sera, ce qui doit être, tout cela est inséparable (Voy. p. 5).

Précisément en raison du peu d’importance qu’elle attache à la notion de loi naturelle, elle en attache une d’autant plus grande aux lois positives émanées du législateur, et y voit un des facteurs les plus efficaces de l’évolution sociale[12]. Elle est donc portée à étendre considérablement les attributions de l’État et ne partage nullement à cet égard les antipathies ou les défiances de l’école libérale.

Cette école a exercé une grande influence-dans ces derniers temps, non seulement sur les esprits, mais sur la législation. La plupart des lois promulguées depuis une vingtaine d’années, connues sous le nom de législation ouvrière, ainsi que le puissant mouvement en faveur de la réglementation internationale du travail, lui sont dus en grande partie. Elle a certainement rendu grand service à la science en élargissant le point de vue étroit, factice, d’une simplicité voulue et d’un optimisme irritant auquel l’école classique s’était toujours complue ; — elle l’a fait sortir de cette abstention systématique dans laquelle elle s’enfermait, et à cette question posée depuis si longtemps par la misère humaine : que faire ? elle a cherché une autre réponse qu’un stérile laisser-faire.

Elle a été utile aussi en démontrant que cette défiance extrême de l’État manifestée par l’école libérale, qui ne lui laisse guère d’autre rôle que de préparer son abdication progressive, ne paraît pas scientifiquement établie. L’histoire nous montre l’État comme un facteur très actif du progrès social (abolition de l’esclavage, du servage, des maîtrises, législation industrielle) et dont les attributions vont s’élargissant sans cesse. En effet, pour déterminer ces grandes modifications sociales dont nous venons de parler, l’initiative individuelle est le plus souvent impuissante. L’association a plus de puissance, sans doute, mais ceux qui opposent l’association libre à l’État ne doivent pas oublier que l’État n’est lui-même qu’une forme très remarquable de l’association coopérative, forme supérieure non seulement par son ancienneté et son étendue, mais parce qu’elle poursuit et détend contre les empiétements des intérêts privés l’intérêt collectif dont il a la garde. Le fait que cette association qui nous réunit à nos concitoyens est obligatoire, au lieu d’être purement volontaire, ne diminue pas sa force. D’ailleurs dans toute association, même volontaire, la majorité fait loi.

Ce qui a donné et donne encore une grande force à la thèse de l’école libérale, c’est que trop souvent l’État a montré la plus déplorable incapacité en matière économique et s’est fait l’instrument des partis plutôt que l’organe de cette grande association nationale dont nous venons de parler[13]. Mais ce sont là des vices tenant moins à la nature de l’État qu’a son organisation. Il ne faut pas oublier que l’État, même dans les pays les plus avancés au point de vue politique (surtout dans ceux-là, pourrait-on dire !) n’a été organisé qu’en vue de ses fonctions politiques et nullement de ses fonctions économiques, que la forme encore embryonnaire de la division du travail dans le gouvernement, l’arbitraire avec lequel sont distribuées les fonctions publiques, l’instabilité du pouvoir, l’organisation grossière du suffrage même dit universel qui met le plus souvent le pouvoir aux mains d’une minorité, le rendent impropre à poursuivre des fins économiques. Mais il est permis d’espérer que le jour où l’État sera constitué en vue de ses nouvelles fonctions, il pourra exercer dans le domaine économique une action plus rationnelle et plus efficace que celle qu’il a exercée jusqu’à présent[14].

§ 4. — Christianisme social.

Cette école est subdivisée en deux tendances très divergentes dans leur orientation, quoique ayant le même point de départ, et qui correspondent naturellement aux deux grandes confessions religieuses chrétiennes[15].

§ 1. — L’école catholique croit fermement, comme l’école classique, à l’existence de lois naturelles, qu’elle appelle lois providentielles, et qui gouvernent les faits sociaux aussi bien que les faits de l’ordre physique.

Seulement, elle croit que le jeu de ces lois providentielles peut être profondément troublé par le mauvais emploi de la liberté humaine, et qu’en fait c’est précisément ce qui est arrivé : par la faute de l’homme, le monde n’est pas ce qu’il devait être, ce que Dieu aurait voulu qu’il fût. À la différence de l’école libérale, elle n’est donc nullement optimiste elle ne considère point l’ordre social comme bon ni même comme tendant naturellement vers le mieux ; surtout elle n’a aucune confiance dans le laisser-faire pour rétablir l’harmonie et assurer le progrès, puisqu’elle voit au contraire dans cette liberté même, ou du moins dans ce qu’elle appelle le libéralisme, la véritable cause de la désorganisation sociale.

La véhémence des critiques que l’école catholique dirige contre l’organisation actuelle lui a valu de la part des économistes libéraux le nom de Socialisme catholique. Elle s’en défend cependant très vivement, et en effet, malgré certains points de vue qui lui sont communs, elle diffère de l’école socialiste toto orbe : d’abord, en ce qu’elle ne se propose nullement d’abolir les institutions fondamentales de l’ordre social actuel, propriété, hérédité, salariat, etc., mais bien plutôt de les restaurer ou de les consolider[16] ; ensuite, en ce qu’elle ne croit nullement à l’évolution ni au progrès indéfini de l’espèce humaine, et cherche beaucoup moins son idéal dans le futur que dans un retour à certaines institutions du passé, par exemple, à la vie rurale et surtout aux corporations professionnelles de patrons et d’ouvriers réunis. — Professant aussi peu de confiance dans le principe d’égalité que dans celui de liberté, elle compte rétablir la paix sociale par l’autorité sous une triple forme celle du père dans la famille, du patron dans l’atelier, de l’Église dans l’État, bien entendu sous la condition de devoirs réciproques de la part de ces « autorités sociales ».

Elle ne se montre pas hostile en général à l’intervention de l’État « qui est, après l’Église, le ministre de Dieu pour le bien »[17] et la réclame même formellement pour assurer aux classes ouvrières le repos dominical, la réglementation du travail dans de justes limites, etc. Cependant une fraction de l’école catholique se montre non moins opposée que l’école libérale elle-même à l’intervention de l’État. Et cette question a même provoqué des querelles très vives dans son sein.

L’objection la plus forte que l’on puisse adresser à cette doctrine, en écartant toute controverse qui porterait sur le terrain politique ou religieux, a été formulée, il y a longtemps déjà, par Stuart Mill quand il a dit qu’il n’y a pas d’exemple qu’une classe quelconque, en possession du pouvoir, se soit jamais servie de ce pouvoir dans l’intérêt des autres classes de la société. Il serait fort à craindre que le patronage des classes dirigeantes, si jamais on se fiait uniquement à elles du soin de résoudre la question sociale, ne fit que confirmer une fois de plus le fait douloureux signalé par Stuart Mill[18].

§ 2. — L’école protestante n’est pas plus sympathique à l’ordre économique actuel. Elle croit qu’il devra se transformer radicalement pour ressembler à ce « Royaume de Dieu » dont tous les fidèles doivent attendre et préparer, dès cette terre, l’avènement.

Elle est généralement moins conservatrice que l’école catholique en ce qui concerne la propriété, le salariat et le patronage des classes dirigeantes. Elle ne cherche pas non plus la solution dans l’association corporative, que l’expérience du passé ne lui parait guère recommander, mais dans une autre forme de l’association dite coopérative. Elle estime que la coopération est l’antithèse indiquée de la compétition qu’elle veut supprimer nous verrons plus loin, en effet, que sous toutes ses formes, qui sont infiniment variées production, crédit, consommation la coopération tend à remplacer l’antagonisme des intérêts (entre le patron et le salarié, entre le créancier et le débiteur, entre le producteur et le consommateur) par la communauté des intérêts que par là, elle se montre éminemment propre à faire l’éducation des individus et des classes au point de vue de la solidarité et à leur apprendre à faire le sacrifice de certains de leurs droits en faveur d’autrui[19].

§ 5. — Solidarisme.

Dans cette revue rapide, nous ne pouvons passer sous silence une école qui ne date que de quelques années mais dont l’influence grandit rapidement c’est celle qui prend pour devise le mot de solidarité.

Vivement frappée par le fait de la solidarité, c’est-à-dire de la dépendance mutuelle des hommes que la science sociale nous révèle sous mille formes, dont la division du travail et l’hérédité ne sont que les plus caractéristiques, elle y voit non seulement la plus grande loi économique mais une grande loi morale. Elle cherche à donner aux individus en même temps qu’une conscience de plus en plus claire de leur état de mutuelle dépendance, le désir et la bonne volonté de travailler à le développer.

Elle se sépare de l’école libérale en ce qu’elle répudie le principe de la concurrence et de la lutte pour la vie pour lui substituer celui de coopération et de l’union entre les intérêts opposés, de « l’union pour la vie ».

Elle se sépare de l’école révolutionnaire en ce qu’elle ne croit pas à l’efficacité de la révolution et de l’expropriation pour transformer l’homme, ni même le milieu social. Elle vise cependant à réaliser les principaux desiderata du socialisme, mais par la voie de l’association libre et non par l’association forcée qui caractérise le collectivisme. Elle met à un plus haut prix la liberté que l’égalité, et s’efforce de transformer peu à peu la part de solidarité fatale qui nous régit en une solidarité contractuelle, ou du moins librement acceptée, seul moyen par lequel ce fait puisse acquérir une valeur morale.

Au reste elle n’est pas hostile à l’intervention de l’État toutes les fois que sous forme de réglementation sur le travail, sur les logements insalubres, ou sur les falsifications de denrées, la loi tend à prévenir la dégradation des masses, ou même encore quand par certaines formes d’association ou de prévoyance obligatoires, ou en empêchant les abus du droit de propriété, la loi tend à inculquer dans tes diverses classes de la nation l’esprit de solidarité. Sans doute, comme nous venons de le dire, la solidarité n’acquiert une valeur morale qu’autant qu’elle devient voulue, mais justement la solidarité imposée par la loi peut être indispensable pour préparer le terrain sur lequel s’épanouira plus tard la coopération libre[20].

Par son principe comme par son programme qui consiste surtout dans l’association libre, cette doctrine a le rare privilège de rallier des adhérents venus des camps les plus opposés, du vieux socialisme idéaliste français de Fourier et de Leroux, du positivisme d’Auguste Comte, du socialisme évangélique de Carlyle et de Ruskin, et des laboratoires de biologie. Peut-être doit-elle cette bonne fortune au fait que son programme est encore assez indéterminé.

    organes s’acquittent des autres fonctions essentielles à la vie et lui en communiquent les bienfaits. Spencer fait remarquer par exemple « Que la classe qui achète et revend, en gros et en détail, les produits de toute sorte et qui par mille canaux les distribue partout, à mesure des besoins, accomplit la même fonction que dans le corps vivant le système circulatoire ».

    Que le crédit lui-même est indispensable au fonctionnement des êtres vivants, comme à celui de l’organisme social « Si un organe du corps de l’animal ou du corps politique, dit encore Spencer, est subitement appelé à fournir une action considérable, il faut qu’il reçoive un supplément des matériaux qu’il consomme en fonctionnant, il faut qu’il ait un crédit ouvert sur la fonction qu’il remplit ».

    Bon nombre de sociologues cependant protestent contre ces analogies, qui peuvent être employées utilement comme procédés d’exposition mais ne sauraient constituer une méthode d’investigation. Et un sociologue éminent, M. Tarde, a rompu plus résolument encore avec cette tendance en déclarant que « la science sociologique ne se développera que du jour où on aura coupé définitivement le cordon ombilical qui le rattache à sa mère la biologie ». Mais c’est encore trop concéder, car nous ne croyons pas du tout que la biologie soit « la mère » de la sociologie !

  1. Ou orthodoxe comme la qualifient ses adversaires non sans ironie.
    Remontant directement par ses origines aux physiocrates et à J.-B. Say, elle a eu pour principaux représentants en France Dunoyer (Liberté du travail, 1845), Bastiat (Harmonies, 1848), Baudrillart, Courcelle-Seneuil et Léon Say, morts récemment, et actuellement M. de Molinari et aussi, malgré quelques dissidences, MM. Paul Leroy-Beaulieu, Levasseur, etc.,— en Amérique, Carey (Science sociale, 1858) et Francis Walker. — Quant aux économistes anglais qui ont succédé aux grands fondateurs dont nous avons déjà parlé et que l’on désigne ironiquement sous le nom d’école de Manchester, tels que Mac-Culloch, Senior, Stuart Mill, Cairnes, ils peuvent être considérés comme se rattachant à l’école libérale, sous réserve toutefois du caractère optimiste qui chez eux n’existe pas comme dans l’école française, mais, en revanche, avec un caractère dogmatique encore plus accentué. Le beau livre de Stuart Mill (Principes d’économie politique, 1848) est le premier où ait passé un souffle socialiste.
  2. « Les lois qui président au capital, au salaire, à la répartition des richesses sont aussi bonnes qu’inéluctables. Elles amènent l’élévation graduelle du niveau humain ». Leroy-Beaulieu, Précis d’Économie politique.
  3. « Nous disons que ces lois naturelles gouvernent la production et la distribution de la richesse de la manière la plus utile, c’est-à-dire la plus conforme au bien général de l’espèce humaine ; qu’il suffit de les observer, en aplanissant des obstacles naturels qui s’opposent à leur action, et surtout en n’y ajoutant point des obstacles artificiels, pour que la condition de l’homme soit aussi bonne que le comporte l’état d’avancement de ses connaissances et de son industrie. C’est pourquoi notre évangile se résume en ces quatre mots laisser faire, laisser passer ». De Molinari, Les lois naturelles. Tout le célèbre ouvrage de Bastiat, les Harmonies économiques, n’est que le développement de cette idée.
  4. Auguste Comte avait déjà protesté, au nom de la science, contre « cette tendance systématique à l’optimisme, dont l’origine est évidemment théologique » (Cours de philosophie positive, XLVIIIe leçon). Mais cette doctrine n’a même pas pour excuse, comme le suppose Auguste Comte, d’être conforme à la théologie ! car la théologie chrétienne n’est rien moins qu’optimiste : elle considère, au contraire, l’ordre de choses actuel et toutes les manifestations de la liberté humaine comme irrémédiablement viciés par la chute du premier homme.
  5. Voy. Secrétan, Études sociales, p. 35.
  6. Comme le dit spirituellement M. Espinas (Sociétés animales) « Si l’activité humaine était incompatible avec l’ordre des phénomènes, il faudrait considérer comme un miracle le fait de faire cuire un œuf ».
  7. Même les représentants de l’école déterministe, même ceux qui nient le libre-arbitre (et tel, certes, ne saurait être le cas de l’école qui s’intitule « libérale » !) reconnaissent à l’homme le pouvoir de modifier l’ordre des choses dans lequel il vit. Ils font seulement cette réserve que tout acte modificateur de l’homme est lui-même prédéterminé nécessairement par certaines causes, mais ceci est une question de pure métaphysique dans la discussion de laquelle nous n’avons pas à entrer ici.
  8. . Le socialisme, — en laissant de côté toute la lignée des précurseurs qu’on peut faire remonter jusqu’à Platon, — a eu comme principaux représentants dans ce siècle en France Saint-Simon (Système industriel, 1821), Fourier (Association domestique agricole, 1822), Proudhon (Qu’est-ce que la propriété, 1840) ; en Angleterre, Owen (son principal ouvrage New views of society est de 1812) ; en Allemagne, Karl Marx (Le Capital, vol. I, 1867, édition française), Lassalle (Bastiat et Schutze-Delitzsch, 1864, traduit en français) ; en Belgique, Colins (mort en 1839), de Paepe (mort en 1892). – Ce sont les socialistes allemands qui ont donné au socialisme contemporain, dit collectivisme, sa physionomie caractéristique. La forme dite anarchisme est due surtout aux socialistes russes Bakounine (mort en 1876) et Kropotkine (les ouvrages de tous les deux ont été publiés en français) – et pourtant l’anarchisme ne s’est guère propagé en fait que dans la race latine, France, Espagne, Italie. Le nihilisme russe quoiqu’on le confonde généralement avec l’anarchisme, n’a aucun rapport avec cette doctrine. Voir au livre III, De la répartition.
  9. Voy. la description de cette société future, au point de vue collectiviste, dans la Quintessence du Socialisme par Schæfle ; — Cooperative Commonwealth, par Gronlund ; — et aussi dans le roman Looking Backward de Bellamy (traduit en français sous le titre Seul de son siècle).
  10. Notez pourtant que le socialisme ne demande l’extension des attributions de l’État que comme mesure transitoire. Car il professe le plus grand mépris, au contraire, pour l’État tel qu’il est aujourd’hui, « l’État bourgeois » comme il l’appelle, c’est-a dire l’État gérant ses intérêts et ses entreprises par les mêmes procédés que les individus. Il évite même, dans ses plans de réorganisation sociale, de prononcer le mot d’État, et il emploie de préférence celui de Société. L’État, dans le plan socialiste, devra perdre tout caractère politique pour devenir simplement économique : il ne sera rien de plus que le conseil d’administration d’une sorte d’immense société coopérative embrassant le pays tout entier. C’est par là que le pur socialisme se distingue du socialisme d’État.
  11. Par exemple tandis que l’école classique considère la propriété foncière, le salariat, comme des institutions définitives dues à des causes nécessaires et générales, l’école historique les considère comme de simples « catégories historiques », dues à des causes diverses, et qui ont affecté des formes très variables suivant les temps et suivant les pays.
  12. « Les lois dont s’occupe l’économie politique ne sont pas des lois de la nature : ce sont celles qu’édicte le législateur. Les unes échappent à la volonté de l’homme, les autres en émanent ». De Laveleye, Éléments d’Économie politique, p. 17.
  13. Leroy-Beaulieu, dans son Précis d’Économie politique, résume parfaitement les divers griefs que l’école libérale fait valoir contre l’extension des attributions de l’État. Il lui reproche :
    1° De manquer d’initiative et d’activité parce qu’il n’est pas soumis à l’aiguillon de l’intérêt personnel ni de la concurrence.
    2° De ne présenter aucune supériorité réelle sur les individus ni au point de vue de la capacité, ni au point de vue de l’impartialité, ni même au point de vue de l’esprit de suite dans ses desseins, étant donnés l’origine, le fonctionnement et les vicissitudes inévitables de tout gouvernement sous n’importe quel régime, mais plus spécialement sous celui qui tend à devenir universel, le régime démocratique.
    Voy. surtout le pamphlet d’Herbert Spencer, l’Individu contre l’État.
  14. Voy. en ce sens Dupont White, L’Individu et l’État (1865) ; Hamilton, Le développement des fonctions de l’État dans leurs rapports avec le droit constitutionnel (Revue d’économie politique, 1891) ; Cauwès, Cours d’économie politique, tome I, liv. I, 3e édit.
  15. Les chefs de cette école appartiennent plutôt à l’Eglise (Mgr von Ketteler, évêque de Mayence, le cardinal Manning archevêque de Westminster, tous les deux décédés), ou à la politique (le comte de Mun en France, le prince Liechtsentein en Autriche, M. Decurtins en Suisse). Voy. pour plus de détails Le socialisme catholique, par Nitti, traduit en français.
  16. Pour elle, par conséquent, le vice de l’ordre économique actuel ne doit pas être cherché dans la propriété individuelle, mais dans la libre concurrence. Toutefois, fidèle aux traditions de l’Église, elle conserve une vive antipathie pour l’intérêt de l’argent qu’elle flétrit du nom d’usure, usura vorax.
  17. Parole attribuée à Léon XIII mais qui est de l’apôtre Paul.
  18. L’école de Le Play, dont nous avons déjà parlé à propos de la méthode, se rapproche de l’école catholique par la part prédominante qu’elle fait à l’élément moral et religieux ; par l’importance extrême qu’elle attache à l’organisation et à la stabilité de la famille (famille-souche), à la conservation du patrimoine et à la liberté de tester par une certaine méfiance à l’égard de l’évolution du progrès naturel et une vive hostilité contre « les faux dogmes » de la Révolution française. Cependant elle se sépare de l’école catholique en ce qu’elle repousse tout caractère confessionnel : la preuve c’est que son fondateur citait comme modèle l’Angleterre protestante et posait comme loi suprême le Décalogue, qui est une loi d’origine juive. Elle repousse presque aussi énergiquement que l’école Libérale l’intervention de l’État.
  19. On peut faire remonter les origines de cette école au groupe de chrétiens anglais, pasteurs et laïques (Kingsley, Maurice, etc.) qui, il y a un peu plus d’un demi-siècle, se passionnèrent pour les questions sociales et partagèrent avec le socialiste Owen, quoique dans un esprit très différent, l’honneur d’avoir créé le mouvement coopératif. Plus tard les grands littérateurs, Carlyle et Ruskin, subirent et propagèrent à leur tour son influence.
    En Allemagne, le pasteur Stoecker et plus récemment le pasteur Nauman se sont faits les apôtres d’un socialisme chrétien qui, pour ce dernier surtout, est très avancé.
    Aux États-Unis et même en France diverses associations protestantes pour l’étude des questions sociales ont été constituées.
  20. Cette école compte plus d’adhérents à ce jour parmi les philosophes et les sociologues que parmi les économistes proprement dits. Citons : Fouillée et Guyau, passim ; Wundt, Ethik ;– Secrétan, Civilisation et croyance et Le principe de la morale ; Metchnikoff, Les grands fleuves historiques ; Durkheim, La division du travail ; Funck-Brentano, L’homme et sa destinée ; Marion. La solidarité morale ; Izoulet, Cité moderne ; Bourgeois, La solidarité ; Tarde, L’opposition universelle. V. aussi notre conférence sur L’Ecole nouvelle dans un volume publié à Genève en 1890 « Quatre écoles d’économie sociale », et notre article La solidarité comme programme économique dans la Revue internationale de sociologie, octobre 1893.